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Western français
Ouvrir un excellent roman western paru aux éditions Rivages est dans l'ordre des choses, mais le découvrir en littérature française sous la plume de Céline Minard assurément ne l'est pas. Alors si en plus il se trouve dans la deuxième sélection du Médicis et qu'il est encensé par une critique presque unanime hormis quelques ronchons, forcément ça intrigue. Faillir être flingué : le titre en lui-même est une surprise syntaxique qu'il incombe de prendre avec des pincettes mais qui trouvera sa signification à la toute fin de la lecture. Dans l'intervalle, Céline Minard ne joue pas des codes du western, elle ne se les approprie pas non plus. Non, elle écrit un joli roman dont la trame se passe dans le Grand Ouest américain au milieu d'un territoire parcouru par les Pawnee et les Dakota, au cœur d'une ville naissante avec des personnages à la fois attachants et archétypaux du western tel qu'on le connait les films américains des années 1950. Un saloon avec ses prostituées où la propriétaire offre le premier verre, un campement de tentes où l'on peut louer un abri en même temps qu'un pot de chambre et où chaque service se paye, un barbier dans l'attente d'un nouveau siège inclinable, un utopique qui croit qu'il va pouvoir ériger des bains publics et, bien sûr, des cow boys qui arpentent la plaine en escortant surtout des vaches mais aussi quelques moutons qu'il remettent sur pattes sans même descendre de cheval ; sans compter des Indiens pacifiques qui marchandent dur eau de vie et couvertures, des moins pacifiques qui ne marchandent ni la vie, ni les scalps, quelques Chinois : telle est la population autour de laquelle se bâtit le roman sur fond de loyauté, de camaraderie, de trahison, de vol, de récupération, de challenges, de combats à mains nues et, aussi, finalement, de fraternité à l'heure où des miliciens débarquent à la recherche d'un homme qui a fui après avoir dévalisé une banque. Tout ceci écrit avec une grande fluidité et quelques hommages tout mesurés au western, qu'il soit américain ou spaghetti, en une alternance de scènes qui toutes s'emboîtent parfaitement pour donner un portrait grandiose de cette conquête de l'Ouest magnifiée, mais ici présentée avec recul et transparence. Le lecteur n'aura de cesse de se rappeler quelques passages de films comme lorsqu'un méchant en train de se faire raser pointe son colt sur le ventre (et non les couilles) du barbier. Il se prendra au jeu de l'hospitalité citadine, aura envie de plonger dans un bain fumant, de se prélasser à l'étage en charmante compagnie, de tourner et retourner dans sa bouche cet alcool tord-boyau, et de suivre la nonchalance feinte de ceux qui quittent la ville pour se perdre dans les grands espaces verts où le danger guette à chaque pas. Après Pas le bon, pas le truand, de Patrick Châtelier, les auteurs français montrent que si les réalisateurs américains ont le droit de faire de bons (ou mauvais) films sur notre Histoire, on peut leur rendre la pareille en littérature jubilatoire.
Récompenses :
Prix du style 2013
Prix du livre Inter 2014
Citation
Zébulon avait fini son verre et se mit en mouvement vers la table du fond. Il posa la main sur l'épaule de Brad qui fixait froidement l'homme ventripotent qui jouait avec son fils et s'en prenait aux tables. I avait toujours détesté les gens qui reportent leur colère sur les objets.