Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Stéphanie Levet
Paris : Folio, septembre 2013
392 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-07-044889-0
Coll. "Policier", 703
Attendre la mort qui ne vient pas
Julien Gracq ou Dino Buzzatti nous avait habitués à des horizons d'attente, à cette dilatation du temps, l'équivalent littéraire de notre front posé sur la vitre et notre regard qui se perd en regardant la pluie qui tombe. Dans l'univers du polar, ce genre d'exercice est plus difficile car, par définition, il faut qu'il y ait un minimum d'actions. Frederick Busch y parvient à travers Nord, ce roman dense et prenant dans son inaction même.
Des années plus tôt, alors qu'il était membre de la police militaire, Jack avait enquêté sur la disparition d'une enfant. S'il a trouvé le coupable, il n'a jamais pu mettre la main sur la victime. De façon symptomatique, il a entamé une liaison sans issue avec la femme d'un coéquipier, hanté qu'il est par la disparition de sa femme et de sa fille, incapable de retrouver des relations normales avec les gens. Cela pourrait déjà sembler une longue action, mais de fait, lorsque débute le roman, tout ceci est du passé et va expliquer la lente maturation du personnage, ce long voyage vers les traces d'un passé. Car Jack est parti dans le Sud travailler comme agent de sécurité dans un centre balnéaire, et y a rencontré une avocate new-yorkaise qui s'inquiète pour son neveu caché dans le Nord et qui ne donne plus aucun signe de vie. Alors, Jack a accepté de remonter vers ces terres qu'il connaît si bien dans l'État de New York, mais qui abritent de nombreux fantômes...
Nord va se contenter, grâce à une écriture hypnotique, de tourner autour de Jack, de dessiner les paysages, de regarder les êtres qui sans se parler se débattent dans leurs contradictions, les souvenirs et les remords : comment faire pour Jack qui retrouve sa maîtresse auprès de son ami mourant, par exemple ? L'ombre de sa femme et de sa fille continuent de planeer sur les champs et les bois. Les terrains sont-ils des lieux pour faire pousser des graines ou pour enterrer des cadavres ? On prend le risque d'oublier le neveu qui est peut-être mort, et l'on se laisse entraîner dans cette longue valse autour de la nostalgie, des vies qui auraient pu se refermer, des douleurs qui ne le sauront jamais, des taiseux qui boivent un café en regardant le monde souffrir, derrière leur fenêtre, désespérés eux aussi.
Citation
Très souvent, on coince ceux qui se croient à l'abri parce qu'ils sont rusés. La ruse, en général, c'est pas suffisant.