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Inédit
Tout public
Traduit de l'allemand (Autriche) par Corinna Gepner
Paris : Carnets Nord, octobre 2013
646 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-35536-073-2
Coll. "Romans noirs"
À Vienne, on triche
L'Autriche est un terreau d'extra-terrestres qui ont pris pour habitude de triturer leur domaine de prédilection. Dans le domaine de la médecine, le pays a eu Freud ; dans celui de la musique, il a héberge Strauss et ses valses ; quand il s'est agi de faire de la philosophie, ça a été au tour de Wittgenstein, ou d'écrire de la littérature, alors il y a eu Thomas Bernhard. En littérature policière, les Autrichiens ont maintenant Heinrich Steinfest. Au départ, Le Poil de la bête ressemble à un ouvrage classique avec une tueuse à gage, des victimes potentielles, le secret de fabrication d'un produit rare, un détective privé chargé de remettre de l'ordre, des indics et des comparses. Mais dans un pays autre que l'Autriche, tout serait beaucoup trop simple. Ici, servi par un style de facture très classique et quasi voltairien rendu à merveille par la traduction de Corinna Gepner, le roman part dans des directions inattendues et réjouissantes pour l'esprit, si l'on accepte des intrigues biscornues, des personnages étranges et des péripéties particulières.
Anna Gemini, la tueuse à gages se permet de choisir ses clients et surtout commet ses crimes accompagné de son fils handicapé. Markus Cheng, le détective privé récurrent de Heinrich Steinfest (qui a perdu un bras dans un glacier - ce qui nous vaut une scène de relations amoureuses assez finement décrite -, et a un chien qui passe son temps à somnoler), est chargé non pas de l'arrêter mais de vérifier qu'elle a bien tué le diplomate Apostolo Janola. De plus, le secret a découvrir apparaît lui aussi comme fascinant : la formule chimique de l'eau de Cologne qui, dans sa version originale, devait permettre d'animer les morts ! Cette formule serait détenue aujourd'hui par les moines chartreux dont les nouvelles méthodes de méditation sont assez saugrenues puisqu'elles supposent de pratiquer le skate board...
Le Poil de la bête s'inspire de la tradition des Lumières, par une écriture fine, le goût des digressions intelligentes, l'introduction d'aphorismes sur les gens ou le monde. Il virevolte d'un personnage à l'autre : la tueuse, son imprésario, un promoteur immobilier qui, dans un mouvement de colère, a tué son ex-femme et ne sait que faire du corps... Un tourbillon de bons mots, de situations inédites, pour un texte extrêmement atypique à réserver aux amateurs du genre qui apprécient les marges, celles que peuvent arpenter Carl Hiaasen et Pierre Siniac, plus que les terrains trop balisés et trop fréquentés.
On en parle : La Tête en noir n°167
Citation
Anna Gemini et Kurt Smolek firent connaissance en août 1999, le jour où le cône d'ombre de la Lune toucha une fois de plus ces régions densément peuplées de l'Europe où l'enthousiasme pour les phénomènes naturels justifierait une fréquence accrue des éclipses de Lune et de Soleil.