Contenu
Les Nouvelles affaires criminelles de Corrèze
Grand format
Inédit
Tout public
Riom : De Borée, octobre 2013
384 p. ; illustrations en noir & blanc ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-8129-0697-8
Coll. "Histoire et documents"
Cochons d'assassins !
Vincent Brousse et Philippe Grandcoing, ces deux professeurs d'histoire, sont des piliers de la collection. Ils ont aussi signé les titres consacrés à la Haute-Vienne, au Limousin, au Lot, à la Creuse ainsi qu'une anthologie thématique en deux tomes sur les affaires criminelles politiques de France. Ils se signalent par un emploi débordant de novélisation qui éloigne le lecteur du récit historique pour le plonger dans un festival de rédactions littéraires plus ou moins abouties (voir notre critique des Nouvelles affaires criminelles du Lot). Ici, ils paraissent s'être retenus. Sans doute est-ce parce qu'ils reprennent le flambeau de Jean-Michel Valade qui a écrit le premier tome (voir notre critique sur Les Grandes affaires criminelles de Corrèze) et qui signe ici la préface. "Sans grande surprise, nous prévient-il, le sexe et l'alcoolisme tiennent une place prépondérante dans bien des affaires". Et il conclut : "les auteurs élaborent insensiblement, petite touche par petite touche, un authentique portrait de la Corrèze du XIXe siècle, cette contrée rurale et agricole aux toitures en chaume, cette terre toujours enclavée et restée sous la coupe des notables, ce pays aux mentalités arriérées et où l'opprobre s'abat sur les domestiques de ferme engrossées".
Les affaires se situent entre 1790 (jour de révolte à Allasac : une jacquerie contre les notables qui faillit tourner mal mais qui, finalement, rencontra le courant révolutionnaire) et 1937 (l'affaire Henry Nadiras, un inceste que les auteurs racontent grâce aux lettres échangées). Un maire est accusé de la noyade d'une jeune bergère enceinte (affaire Bunisset, 1822), un aubergiste est guillotiné pour le meurtre de son jeune beau-fils qui arrivait à l'âge légal pour réclamer sa part d'héritage (affaire Mazin, 1835), un couple est condamné à la perpétuité pour l'empoisonnement d'un enfant (affaire Peyrichoux, 1838), nombreuses sont les affaires traitées de manière "classique" par les deux auteurs qui auraient pu, parfois, résumer un peu plus les procès. Par contre "Infanticide au Château" ou l'inceste de Gabriel Sibiac en 1891, racontés en dialogues, tombent dans les travers de la novélisation.
De ce recueil, on retiendra, outre les indications historiques sur le niveau de vie des populations, et leurs us et coutumes (dont la pauvreté extrême) quelques affaires sortant du lot. L'histoire du buste reliquaire de Saint Martin que la commune de Soudeilles vendit est excellente pour l'histoire de la loi de séparation des Églises et de l'État votée en 1905. Avec une réserve pour la forme d'interview "journalistique" avec le sénateur-député Queuille né en 1884, cette affaire est riche en rebondissements et couvre bien des domaines autant politiques qu'économiques avec le marché international de l'art, du faux, et de la main-mise des riches capitalistes Américains comme ici le banquier J.P. Morgan. N'oublions pas les affaires du peuple comme celle de Marie Brajou qui accouche en secret en 1867 et se débarrasse du bébé avec l'aide de sa mère en le démembrant et en le faisant bouillir à la marmite avec quelques ingrédients pour le donner à manger aux cochons ! Jean Denaveau, chemineau, tueur de petites filles, fut décapité à Tulle en 1873. Les auteurs en profitent pour nous raconter comment la population soupçonnait l'exécution à venir grâce à la guillotine qui arrivait par le train. "La gare fut, durant tout l'après-midi, le point de convergence des curieux. On venait y observer l'étrange wagon stationnant sur une voie de garage : sorte de voiture longue d'environ quatre mètres et large d'un mètre cinquante percée d'une porte et de trois petites fenêtres latérales. Deux places étaient aménagées à l'avant. Il suffisait de hisser la caisse sur des essieux et elle pouvait se rendre n'importe où, tirée par des chevaux."
La boîte à guillotine, ancêtre du container !
Citation
Puis activant elle-même les flammes, les témoins de cette horrible scène la virent enfoncer de temps en temps une pelle dans la marmite, pour broyer le cadavre et le réduire en pâte. Elle y plongea quelques feuilles de choux. Sa mère qui l'assistait dans cette œuvre sauvage y mit elle-même de la farine, et quand, selon leur cynique expression, 'le bouillon leur parut prêt', toutes deux se dirigèrent vers l'étable des porcs qu'elles avaient, depuis le matin, privés de nourriture.