Contenu
Poche
Inédit
Tout public
132 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-84219-054-8
Coll. "Le Poulpe", 55
Poulpe dansant
Avec ce "Poulpe" de la première génération écrit au siècle dernier à une époque où la France n'était pas encore championne du monde de foot, et où planait encore l'ombre de François Mitterrand et à travers elle celle de Jack Lang, Alain Bellet propose une intrigue originale loin des sentiers battus, dans le monde culturel de la danse contemporaine sur fond de trafic d'esclaves sexuels. La culture, Alain Bellet la connait bien et la côtoie : il a été directeur de MJC et de centres culturels. S'appliquant à respecter à la lettre la "Bible" du "Poulpe", le romancier entre dans le vif du sujet dès un chapitre originel où trois morts et une crise cardiaque surviennent, toutes liées à Corps Libres, une compagnie de danse, et à une étrange école dont les élèves sont avant tout orphelines et ravissantes avant que d'être douées. Comme d'habitude, c'est à l'heure de lire Le Parisien dans son rade préféré du XIe arrondissement, le Pied de porc à la Sainte-Scolasse, que Gabriel Lecouvreur, dit Le Poulpe" en raison de ses membres démesurés, s'interroge férocement. Dans la tête de Gabriel, cela veut dire abandonner sa Chéryl de coiffeuse, passer prendre un flingue chez Pedro, son vieil anar espagnol de fourgue, et partir enquêter avec un minimum de discrétion et un maximum d'opiniâtreté. Très vite, il croise Louise Cambesque, une danseuse un peu paumée qui le séduit, Jacques Vergeat, le flic des RG, et Brigitte Cerbonne, une autre danseuse victime séropositive (Act Up tiendra un rôle prépondérant) de la traite des blanches dans un Maghreb et un Moyen-Orient qui ne vont plus tarder à être islamiques. L'intrigue n'est pas tant originale, à la réflexion, que le milieu dans lequel elle est inscrite. Elle est courte, et présente un rythme intéressant qui occulte certaines faiblesses scénaristiques comme lorsque Gabriel est sauvé d'une situation bien inconfortable par un appel anonyme de Pedro aux Pandores. Écrivain stylistique, Alain Bellant offre du liant à son histoire sans trop de rebondissements, linéaire et fidèle à celles qui l'ont précédée. Si l'on sent un souci de bien faire à travers quelques éléments clés (à l'exception notable du Polikarpov qui n'est cité qu'en toute fin de roman et encore, puisque le romancier en parle comme d'un coucou) comme la bière, le livre (Histoire des émeutes urbaines, normal quand on connait l'auteur)... il se permet quelques écarts de conduite qui dénotent une appropriation réussie. Ainsi Le Poulpe fait affaire avec Jacques Vergeat, l'un de ses ennemis habituels, et malgré un esprit libertin, échoue à avoir une relation extraconjugale avec Louise Cambesque (mais pour des raisons que la morale réprouve). C'est donc un épisode à la fois intéressant et divertissant que ce Danse avec Loulou, ancré dans l'esprit avec une jolie prose, et surtout un joli art de manier la fin d'une aventure entre noirceur, nostalgie et regrets.
Citation
Seulement, ce soir-là, c'était le Poulpe qui jouait le rôle inconfortable de la bête nuisible. Un sourd coup de crosse l'invita alors à rejoindre au plus tôt l'univers onirique de son choix.