Le Triomphe de la mort : Bruegel

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Roman - Policier

Le Triomphe de la mort : Bruegel

Tueur en série - Assassinat - Artistique MAJ vendredi 17 janvier 2014

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 17 €

Patrick Weiller
Paris : Cohen & Cohen, janvier 2014
132 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-36749-007-6
Coll. "ArtNoir"

Bruegel ? Vous avez dit Bruegel ?

On avait découvert Patrick Weiller avec la lecture de son premier roman Le Jugement de Salomon paru en 2010 dans la même collection "ArtNoir", mais chez Biro & Cohen, éditeurs spécialisés en livres d'art. Voici la collection policière artistique reprise sous le nouveau label Cohen & Cohen suite à une restructuration de la maison d'édition. Le format s'est agrandi mais la dominante de la couverture est toujours le noir avec l'idée osée d'en recouvrir les tranches de pages. Le look petit catalogue d'art est augmenté avec la mention, dans une estampille verticale, du peintre qui est au centre de l'intrigue : Goya pour Le Silence de Saturne d'Isabelle Mimouni, Chu-teh-Chun pour L'Odeur du Ciel d'Henri Bonnetti et Bruegel, enfin, pour Le Triomphe de la Mort de Patrick Weiller.
Ce psychiatre et écrivain, ancien marchand d'art sans galerie, nous conte ici, au présent, l'enquête d'un narrateur, personnage marchand d'art, sur trois meurtres mystérieux de collègues. Il est contacté par le commandant Pommier de la Brigade de Répression du Banditisme qui lui demande de réfléchir à ces meurtres dont les mises en scène font irrésistiblement penser à celles de quelque serial killer.
Dans son précédent ouvrage, le romancier, avec le même personnage teinté d'autobiographie, avait intercalé ses chapitres avec ceux d'une fiction historique (avec un narrateur du XVIIe siècle). Bien sûr, tout se rejoignait et s'enrichissait au final, mais le roman s'en trouvait un peu alourdi. Ici, rien de tel : on reste dans l'époque contemporaine avec les pensées et réflexions d'un homme discret, souvent peu sûr, réticent aux demandes de la police. Avec son écriture épurée au possible, sans digression ni sensationnalisme, l'auteur nous fait partager sa connaissance des milieux marchands de l'art. Par exemple, il trousse quelques pages sur la fameuse "congrégation" des Savoyards qui s'occupait de la manutention chez Drouot et qui s'est retrouvée renvoyée en bloc suite à un énorme scandale de vente d'objets volés. Les enchères "truquées" au détriment d'un collègue anglais, le portrait d'un marchand spécialisé en tableaux flamands sont quelques autres flashes professionnels passionnants. Fortuitement, lors d'une visite au Prado où il est présent pour le vernissage d'un riche collectionneur de dessins anciens, le narrateur se rend compte que les positions des cadavres sont copiées sur celles de minuscules personnages dans une œuvre de Bruegel l'Ancien, Le Triomphe de la Mort où une armée de squelettes inflige les pires tortures à de nombreux humains. De là, les déductions vont s'enchaîner et conduire à l'assassin.
On n'ose imaginer ce qu'un auteur américain (ou un Français comme Maxime Chattam) aurait tiré d'un tel scénario : sept cents pages minimum, une équipe de profilers, Interpol, dépositions in extenso de conservateurs, collectionneurs de la mafia russe, responsables de galeries en talons et bas résille, scanners d'œuvres, Adn, et héroïne de service (une belle et jeune critique d'art) coincée à la fin dans le repaire du fou de Bruegel qui aurait reconstruit patiemment tous les instruments de torture des squelettes... Ici, rien de tel. Le narrateur se rend à une vente aux enchères en Allemagne, ou pour un prêt d'œuvre en Angleterre, ou en Espagne pour un vernissage. Il va et revient dans l'ellipse d'un espace de ligne. Aucune description de décor, ni analyse psychologique : cela vous dégraisse un roman en moins de deux ! Le policier ne sert qu'à donner des indications et le héros ne s'implique que d'une manière fortuite en taisant toute vie personnelle. Il se retrouve un peu dans la peau du Vieil homme dans le coin de la Baronne Orczy, archétype du armchair detective. Ses quelques échanges avec des professionnels, notamment avec l'ami psychiatre sur la différence des symptômes entre la schizophrénie et la paranoïa, sont bienvenus par leur simplicité et surtout l'humour sous jacent qui embrouille plus qu'il n'éclaire. De même avec l'œuvre signée Bruegel. Il y a le père, les deux fils, et les deux petits-fils qui s'appellent tous Pieter ou Jan et qui, pour les quatre derniers, n'ont cessé de se copier et de copier l'Ancien en, parfois, une dizaine de versions.
Et c'est justement cette multiplicité d'identités qui est au cœur de la solution des crimes ! Bravo !
Au final, voici un petit roman très simple, mais très riche, sans doute un peu cher à l'achat, mais qui parvient d'une façon intelligente à nous faire découvrir à la fois le monde marchand de l'art et la peinture ancienne. L'auteur fait avant tout confiance au Bénézit, aux catalogues raisonnés et au visuel direct de l'œuvre. Ainsi, le déclencheur de ses déductions logiques conduisant à la vérité repose sur le postulat que l'assassin a vu et détaillé le tableau du Prado et donc qu'il est Espagnol. Notre héros semble ignorer que ce tableau est sur Wikipedia en haute définition. Et n'importe quel serial killer en manque d'inspiration, où qu'il soit dans le monde, peut jouer sur lui avec sa souris. Mais ce n'est pas grave, on est dans un récit cultivé et cohérent. Et la vraie connaissance n'a que faire du surf sur Internet.
Un nouveau titre de l'auteur, Saisis au vol, devrait paraître cette année.

Citation

Ah, on les regrette, les anciens, les Savoyards ! Depuis qu'ils ont tous été virés pour vols et recels de vols en bande organisée, Drouot n'est plus le même. Ils nous manquent...

Rédacteur: Michel Amelin lundi 13 janvier 2014
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