Contenu
Metropolis, 1
Grand format
Inédit
Tout public
Dimitris Martinos (coloriste)
Paris : Delcourt, janvier 2014
96 p. ; illustrations en couleur ; 29 x 19 cm
Coll. "Machination"
Lang urbaine
Metropolis. Le titre en lui-même ne peut évidemment que nous faire penser au merveilleux film de Fritz Lang qui a justement fait l'objet d'une réédition dans un nouveau master il y a un peu plus d'un an pour le plus grand bonheur des cinéphiles avertis. Cette excellente bande dessinée nous plonge dans un univers à l'identique, quelque peu décalqué et décalé, une espèce de mélange d'uchronie et d'utopie (peut-être plus d'ailleurs s'agit-il plus d'une anti-dystopie...) dans un Berlin quelque peu aseptisé où l'absence de Hitler et ses sbires est marquante.
L'histoire se déroule entre 1934 et 1935, et le lecteur évolue dans une intrigue policière fondée sur une attaque terroriste et la découverte de corps de femmes dont les doigts ont été coupés ou passés à l'acide et les dents scrupuleusement arrachées. L'inspecteur Gabriel Faune, du Bureau du contrôle de l'Interland, est confronté à une tentative d'assassinat sur le parvis de la Tour de la Réconciliation. C'est tout d'abord une bombe qui explose suivie de tirs en rafale d'un tireur d'élite embusqué dans une tour. L'explosion révèlera une étrange crypte avec les cadavres sus-mentionnés. Devant l'étrangeté de l'affaire, le Directoire (Briand et Streseman) impose au Citoyen numéro 1 ("Je ne suis pas un numéro !" pourrait-il s'exclamer à juste titre) la collaboration de l'inspecteur Lohman. Cette dissociation temporaire et temporelle nous ramène alors au cinéma de Fritz Lang pour mieux nous plonger dans M le maudit, plus exactement dans ses conséquences car il sera question d'un gant, du symbole M blanc du meurtrier et de folie. La folie, justement, est l'essence même de cette histoire avec en son centre le docteur F. derrière lequel se cache évidemment la silhouette de Sigmund Freud. Gabriel Faune observe des changements radicaux dans l'urbanisme de Metropolis que lui seul décèle. Des bâtiments sont remplacés par d'autres plus anciens, comme si Metropolis devenait Berlin. Est-ce dû aux Loups noirs, ce groupuscule pangermaniste prônant l'action violente et qui rappelle les sinistres S.A. ? Toujours est-il que le duo d'enquêteurs va avoir fort à faire entre souvenirs mélancoliques (qui est cette Loulou dont la silhouette clôture ce premier volet ?), folies passagères et personnages historiques qui suivent leur sillon - même Winston Churchill débarque au Club des fumeurs de Cigares de la rue K (comme Kafka ?) tandis que le Pen Club rassemble des écrivains des pays belligérants de la Seconde Guerre mondiale qui se réjouissent de la paix qui règne en Europe.
Au scénario hautement élaboré mêlant onirisme, fantasmagorie et violence de Serge Lehman répond le dessin de Stéphane de Caneva qui s'y entend pour alterner les planches hommages au Berlin des années folles et de son impressionnisme (en passant parfois au noir et blanc), et des pages futuristes sorties tout droit de l'imaginaire visionnaire de Fritz Lang pour Metropolis avec d'immenses gratte-ciels majestueux et froids. Les visages sont merveilleusement ciselés, et l'ensemble est toujours sous la loi de la dualité (le temps, les deux villes, les deux enquêteurs, le Directoire, les deux crimes, sur et sous terre, la raison et la folie...). Et pour parachever le tout et asseoir cette notion de dualité cinématographique, la bande dessinée s'ouvre sur le portrait d'une belle femme blonde pour s'achever sur celui de Loulou, brune exquise. Un canon du cinéma... Est-ce utile de dire que la suite est attendue avec impatience ?
Citation
Cet après-midi, à 15 heures, messieurs Romain Rolland, Stefan Zweig et Curzio Malaparte prononceront un discours conjoint sur le cours Charlemagne. Ces éminents représentants du Pen Club rappelleront que la paix qui règne en Europe depuis 65 ans a plus que jamais une vocation perpétuelle.