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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Marie Chabin
Toulouse : Monsieur Toussaint Louverture, février 2014
670 p. ; 20 x 14 cm
ISBN 979-10-90724-08-2
Le facteur sonne toujours deux fois
Albert Lippincot, alias Mailman, profession facteur, est un homme à problèmes. Problèmes avec les femmes : une mère peu maternelle, une sœur actrice ratée qu'il ne peut s'empêcher de désirer, une ex-femme qu'il a rencontrée dans un hôpital psychiatrique et une nouvelle amie qui lui procure du plaisir tout en refusant qu'il lui en donne en retour ; problème avec l'ambition : alors qu'il était encore étudiant et qu'il semblait prédestiné à une carrière si ce n'est prestigieuse, tout au moins honnête, il mord son professeur au visage ; alors qu'il plaque tout pour partir au Kazakhstan, il se retrouve face au cadavre de celui à qui il devait apporter son expérience professionnelle ; problème avec son métier : certes, il le fait bien, personne ne songerait à remettre en question son abnégation, mais il ne peut s'empêcher d'ouvrir le courrier et de le photocopier avant de le remettre à son destinataire. "Ce n'étaient pas ses amis, tous ces correspondants, il ne connaissait rien d'eux, à part leur calligraphie, leurs habitudes de ponctuation. Il connaissait leurs facettes les plus tristes, les plus intimes : le coureur de jupons, la traînée, le délinquant. Le fou et le désaxé. Ils étaient comme des personnages de roman... en fait non, même pas."
J. Robert Lennon nous livre un roman drôle et poignant. Mention spéciale au voyage au Kazakhstan où Mailman tente en vain de redonner un sens à sa vie, de fuir ses attaches et d'aller voir ailleurs s'il y est. Et la réponse tombe, inflexible : il n'y est pas. Il n'est nulle part, Mailman. Ni heureux ni triste, il est simplement perdu. Perdu dans cette Amérique qui le dépasse ou dans ce Kazakhstan qui le laisse désemparé. "Il n'était pas impossible qu'une traînée de sang conduisant à une porte derrière laquelle on entendait taper et crier ait une toute autre signification ici, au Kazakhstan, que dans son pays à lui."
Mailman, c'est le récit d'un homme dont on sait très vite qu'il a raté sa vie mais qui semble s'en contenter. Une drôle de vie passée à attendre. "Pourquoi n'avaient-ils pas eu d'enfant avec Lenore ? Ça n'avait jamais représenté un problème pour eux ; la question avait été abordée, tous deux avaient dit peut-être. La même question s'était reposée plus tard et ils avaient de nouveau dit peut-être. Alors qu'ils pensaient non."
Mailman est un château de sable qui s'effrite inéluctablement, une somme de grains qui n'ont rien à faire ensemble mais qui ont finalement trouvé leur petite place. L'un d'eux finit néanmoins par gripper la mécanique sans histoire d'Albert qui n'avait pas besoin de beaucoup plus pour dérailler. Si bien que le roman s'articule en une lente descente aux enfers : professionnelle, amoureuse, affective, physique. Poignant. Mais drôle. Le facteur sonne toujours deux fois : la première pour vous faire rire, la seconde pour vous émouvoir.
Citation
Et il rentre chez lui pour ouvrir son courrier et se branler en pensant à sa voisine pubère. Un gars formidable, un cœur gros comme ça.