À tout prix

Il s'arrêta, scrutant le ciel noir, embrumé, sans étoiles, et souhaita le retour du mistral. Il avait envie de voyage. Envie de revoir les steppes de Mongolie qu'il avait traversées naguère. Écouter le vent qui rase l'herbe, le chant continu des plaines sèches, le son monotone de la flûte, le galop d'un cheval filant vers l'horizon. Il marchait dans son rêve avec, dans la bouche, le goût du thé amer. Avec l'espoir que le monde n'était pas cette oasis d'horreur dans un désert d'ennui que chantait Baudelaire, mais autre chose de plus vaste, de plus mystérieux, beau comme le cœur des hommes de sagesse.
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Roman - Noir

À tout prix

Social - Musique - Drogue MAJ jeudi 06 mars 2014

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 23,5 €

Rob Roberge
The Cost of Living - 2012
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Nicolas Richard
Puzol : 13e Note, février 2014
300 p. ; 19 x 14 cm
ISBN 978-2-36374-061-8

Le salut par le désastre

Aux États-Unis, on peut être à la fois professeur à la prestigieuse université de Los Angeles, appartenir à un groupe punk et publier des livres bien noirs qui donnent de l'Amérique une vision cauchemardesque. C'est le cas de Rob Roberge, auteur de À tout prix, un livre qui aurait l'apparence d'une confession intime, mais dont la construction et le sens du grotesque relèvent plutôt de l'art du roman.
À tout prix narre le destin tragi-comique d'un certain Bud Barrett, musicien raté, hanté par les fantômes d'un père criminel qui a tué un homme devant lui, et d'une mère qui a mis fin à ses jours en se jetant du haut d'un pont. Plus noir que ça, tu meurs... Bud va donc grandir dans ce désastre existentiel et toucher très tôt à la drogue pour échapper aux démons qui l'assaillent, à commencer par celui de la culpabilité. Il s'ensuit une série d'aventures corsées, souvent glauques et destroy, où il s'agit pour le narrateur de se droguer à tout prix (d'où le titre du livre) en compagnie de personnages qui eux non plus n'ont plus rien à perdre.
L'originalité du roman tient moins à cette trame assez convenue – les confessions de toxicos sont devenues à présent un "classique" de la contre-culture américaine – qu'au traitement éclaté du récit et à l'emploi de leitmotive où reviennent les deux obsessions du narrateur : la mort de sa mère, le comportement destructeur de son père. De cette façon, le récit procède tantôt par dévoilements, tantôt par errances, celle du Bud devenu jeune homme qui cherche son salut.
Des pages, il en faudra près de quatre cents pour que Bud arrive enfin à comprendre ce qu'il est devenu et qu'il parvienne à approcher le lit de son père mourant. La lecture d'un tel livre est assez éprouvante. À lire Rob Roberge, on se dit que le cauchemar américain a de belles années devant lui. Mais cette noirceur est parfois compensée par un sens du grotesque et de l'humour que des lecteurs rompus à ce genre d'univers sauront apprécier.
Assurément, Rob Roberge fait partie des "grands" de la contre-culture, aux côtés de Dan Fante ou de Tony O'Neill, et l'on comprend le désir de 13e Note de nous faire partager leur engouement, d'autant qu'en France nous n'avons pas (ou pas encore) ce genre d'écrivains hantés à ce point par les notions de mal et de salut.

Citation

La veille du jour où mon père me suppliait de le tuer, j'étais assis seul, le soir, dans une chambre d'hôtel donnant sur l'hôpital où il avait été admis, à relire de vieux articles de journaux évoquant le suicide de ma mère.

Rédacteur: Pascal Hérault jeudi 06 mars 2014
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