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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Elsa Maggion
Paris : Calmann-Lévy, janvier 2014
400 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-7021-4425-1
Coll. "Robert Pépin présente"
Dieu & démon
Même si l'adage philosophique énonce qu'il faut devenir ce que l'on est, il est parfois difficile de savoir ce que l'on est réellement. C'est peut-être pour cela que Nick, l'un des personnages de ce roman, est un informaticien qui a créé un système pour mémoriser un être vivant et de lui donner un simulacre de vie dans le monde virtuel. Chaque jour, il enregistre sa fille Sunny en train de danser et en constitue un modèle sur son ordinateur. Cela lui permet, peut-être, de diminuer son chagrin lorsque celle-ci se noie. Mais le personnage central de ce roman du Sud-Africain Roger Smith est Vernon Soul, un homme viré de la police, reconverti comme agent de sécurité, qui se prend pour Dieu et n'entend rien d'autre que gérer la vie des gens qui l'entourent. C'est ainsi qu'il rend des services, cache des preuves de leurs crimes, joue sur leurs fantasmes. Aussi, lorsqu'il assiste à la noyade de l'enfant, tandis que le père et la mère s'occupent de leur propres petites affaires mesquines, il laisse faire, car il sent bien que le sentiment de culpabilité peut lui permettre d'envisager chantage et jolie manipulation.
Désir de maîtriser tout, de châtier ceux qui s'opposent, Vernon Soul est une parabole parfaite d'un dieu vengeur (ou d'un écrivain omniscient) qui sonde les cœurs et les reins, connaît les failles des gens, et s'y immisce. Le plus angoissant est sans doute qu'il n'a pas d'ambition propre hormis d'être le Manipulateur suprême, ce qui en fait un être complexe, impliqué dans des complots à trois ou quatre bandes, rendant un service ici ou là au cas où des années plus tard, il pourrait avoir besoin d'un retour...
Volonté divine ou diabolique (à trop vouloir faire l'ange, on fait le démon), car les plans d'Exley sont froids, dépourvus d'humanité : il laisse mourir une petite fille, étrangle une femme qui se met en travers de sa route, zigouille un SDF pour lancer une fausse piste. Le romancier Roger Smith joue avec les nerfs du lecteur dans un va-et-vient incessant entre les plans d'Exley, la façon dont les acteurs regimbent et les doutes d'un policier, servi par un style qui joue constamment - y compris dans un final où l'on revient sur la différence réel/virtuel et une chute qui remet des éléments dans une nouvelle perspective - sur des ambiguïtés et de la tension.
Le Piège de Vernon, si complexe qu'il peut se retourner comme un manteau sur celui qui l'a conçu, est aussi le piège du virtuel dans lequel on peut recréer une innocence factice ou le piège que tout romancier peut tendre à son lecteur pour créer de la tension et un suspense noir âpre et prenant, de bonne facture.
Citation
Il a essuyé l'outil pour en ôter les cheveux, la cervelle et le sang puis il a quitté le lit et a emporté le marteau dans la salle de bains.