Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Karine Lalechère
Paris : Sonatine, mars 2014
312 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-35584-243-6
Le James Bond du crime
Même chez les auteurs de thriller, il arrive un moment où jouer avec les codes du genre ne suffit plus - c'est d'ailleurs ce que les théoriciens évoquaient déjà pour la littérature générale avec le post-modernisme. Cette évolution du genre gagne donc à présent les paralittératures, et c'est sans aucun doute dans cette lignée que Shane Kuhna a décidé de travailler : décrire le milieu des tueurs à gage de l'intérieur, avec des rebondissements réguliers, des morts en cascade, le tout avec ironie et recul.
Tout est raconté du point de vue de John Lago, un narrateur qui doit effectuer sa dernière mission : découvrir qui trahit les clients dans un cabinet d'avocat et l'éliminer. Pour se faire, de manière discrète, le meilleur moyen est de devenir stagiaire dans l'entreprise car personne ne remarque les stagiaires... Ces passages donnent lieu à un humour pince sans rire, à la ressemblance des romans sociétaux de Donald Westlake.
Comme dans tout thriller qui se respecte, il faut accorder une part de l'histoire à une relation amoureuse orageuse. C'est le cas car le narrateur a besoin d'une femme déjà installée dans l'entreprise pour grimper dans la hiérarchie et obtenir des renseignements sur les cibles potentielles. Bien évidemment la relation est complexe car la femme en question est bien mystérieuse capable tout aussi bien d'être une oie blanche que de jouer un double, voire un triple jeu. Le romancier va même jusqu'à imaginer Ressources Humaines Inc., une académie des tueurs à gage, chargée de repérer des orphelins depuis l'enfance qu'elle pourra contrôler, une académie aux rouages complexes, capable de placer ses espions-tueurs à gages n'importe où et n'hésitant pas à sanctionner de mort ceux qui ratent un examen de passage !
Le style rapide et nerveux de Shane Kuhn, usant de l'ironie mordante qui caractérise la profession même de son personnage, permet de faire passer l'ensemble de l'intrigue et tous ses rebondissements de plus en plus abracadabradantesques (le tueur retrouve son père qu'il croyait mort, il lutte contre une armée de mercenaires dans un avion, etc.) jusqu'à la conclusion finale pour un récit qui ne se prend pas au sérieux, mais qui est narré sérieusement ce qui est une marque de politesse de la part de l'auteur. Entraîné dans le tourbillon, le lecteur se laisse emmener sans déplaisir au long des pages, pour un texte qui lui accorde quelques heures de détente dans ce monde de brutes.
Citation
Tu es le dernier maillon de la chaîne alimentaire, mais tu as une telle faculté d'adaptation que le petit père Darwin, il en aurait pissé dans son pantalon en tweed.