Vagabond

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Roman - Noir

Vagabond

Musique MAJ jeudi 24 avril 2014

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 10 €

Franck Bouysse
La Croisille-sur-Briance : Écorce, juin 2013
86 p. ; 21 x 12 cm
ISBN 978-2-9535417-4-8
Coll. "No collection"

Tortue sur le dos

Un compositeur de musique peut écrire une symphonie ou un opéra ou se concentrer sur quelques notes pour créer une ligne mélodique. Ce qui devient intéressant, ce n'est pas tant l'ampleur déployée que la qualité des sentiments qui transpireront de l'exécution du morceau. De même, un musicien de blues, inconnu, jouant dans quelque bar obscur, pour un salaire dérisoire, laissera peut-être des sensations plus intenses qu'un grand orchestre, pour un auditeur éventuel ou pour lui-même. Vagabond est l'histoire de "L'Homme", ce musicien esseulé qui est aussi un être obnubilé par ses propres visions, à la limite de la folie, subtilement passé de l'autre côté du miroir. "L'Homme" a été amoureux avant qu'elle ne le quitte soudainement. Mais pour l'instant, il voit sa silhouette venir l'écouter. En quelques pages, le décor est planté, le pantin se démène sur des tréteaux sombres, et toutes les lignes d'horizon sont bloquées.
Le récit se construit stylistiquement autour de son personnage, seul point focal, autour duquel gravitent des ombres et des idées, des fantômes ou des fantasmes. Qu'est-ce qui est réel dans cet univers où "L'Homme" serpente, virevolte, titube et s'évanouit, fatigué ou ivre ? Est-ce vrai ? Est-ce une construction imaginaire, un délire né de l'alcool ou de ses obsessions ? Cela a-t-il réellement de l'importance ? À la lecture de ce court écrit, on songe aux romans noirs de David Goodis ou de Robin Cook, des serpents romanesques qui vous enserrent et vous étouffent sans possibilité de retour en arrière.
Franck Bouysse tisse ainsi, de nuit en nuit, avec des éclairages indirects, des zones d'ombre, des lampadaires aux lumières vacillantes, des airs de blues qui ponctuent cette dérive, une histoire de chute. Aucune rédemption ne semble possible, ni même souhaitable. Pour Lamartine, un seul être manquait et tout était dépeuplé. C'est le constat que développe le guitariste de blues qui se perd dans la vie nocturne, qui s'enfonce lentement et n'a pas envie d'atteindre le fond d'où il pourrait remonter, comme une lente asphyxie redoutée et espérée. Les éditions Écorce publient peu mais visiblement suivent les auteurs et les textes qu'ils écrivent, les poussent au meilleur d'eux-mêmes et méritent un suivi attentif des amateurs de romans noirs, très noirs, serrés.

Citation

Je pense à tous ces gens, comme des sabliers écoulés, que personne ne retourne.

Rédacteur: Laurent Greusard mardi 15 avril 2014
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