Contenu
L'Espion qui venait du livre
Poche
Inédit
Tout public
Diégèse d'un héros
Ce n'est sûrement pas un hasard si le super agent secret tout droit issu de la grande époque de la guerre froide Dumont se prénomme Bob. Sa filiation avec Bob Saint-Clar (Jean-Paul Belmondo), le personnage auquel François Merlin (re-Jean-Paul Belmondo) donne littéralement trait est évidente. Le roman de Luc Chomarat est un petit et très honnête pastiche qui vient prendre ici et là, et montrer lorsqu'il régurgite que la digestion a été effective. Ici et là sont dans le désordre Le Magnifique, de Philippe de Broca, et le personnage d'OSS 117 (et là, on pense plus particulièrement à la brillante interprétation machiste de Jean Dujardin) sans compter le titre qui est fait référence au roman à succès de John Le Carré. Récapitulons : Bob Dumont est un agent secret qui mérite au moins le triple zéro. Le double lui donne le droit de tuer (ce qu'il ne manque pas de faire notamment avec un dard qu'il cache dans une cigarette), le triple lui offre le droit d'être un séducteur lourdingue doté d'un racisme omniprésent et d'une inculture crasse. Bien sûr, Luc Chomarat dans ce pastiche de pastiche force le trait. À tel point que Les Jaunes usent et abusent de "sahib" et autre "effendi". Pour corser le tout, l'éditeur Delafeuille, en proie à la volonté d'un comptable qu'on lui a imposé, décide d'entrer dans le roman, cent dixième épisode de la série à insuccès, à la page treize, afin d'effectuer quelques modifications parmi lesquelles l'insertion de marques comme ce costume Armani. Ce que, en langage codé, les adorateurs de l'auguste et défunt Fontanier, auteur du très précieux Les Figures du discours (une intrigue rhétorique à base de tropes et non tropes), appellent une métalepse narrative. Revenons à nos pérégrinations... Débutant à Singapour avec quelques bains d'hémoglobine, l'aventure se dirige vers le Quercy où habite John Davis (un pseudo), l'auteur du délit littéraire. À travers quelques passages fort plaisants, Luc Chomarat traite par l'absurde l'existence des différents protagonistes de cette comédie noire. En effet, un personnage réel qui intègre une fiction ne devient-il pas fictif ? Qui plus est, à force d'assagir l'espion, celui-ci ne sommeille plus en lui, devient fade et déprimé. Avouons-le : il ne se passe strictement rien dans cette histoire où le méchant de l'affaire s'appelle Igor (mais ne fait pas grand-chose de mal et n'insiste même pas sur la prononciation de son prénom), mais elle est loufoque et bien menée, d'une écriture qui empreinte à droite et à gauche avec beaucoup d'ingéniosité (l'ennemi qui se déguise en géraniums est bien desprogien...), et la fin offre une postface essayiste qui flirte avec la philosophie sur fond de personnages diégétiques et à la réflexion éditoriale. De quoi insuffler un peu de saine légèreté à une soirée qui aurait pu être morose...
Citation
Je vais vous dire pourquoi votre... détecteur parabolique n'a rien détecté... Ce que dans votre délire coutumier vous avez pris pour des cyborgs, ce sont des corbeaux. Des oiseaux noirs, des volatiles, des trucs qui font croa croa et qui bouffent des cerises. Nous sommes à la campagne. Dans le Quercy. C'est normal.