Contenu
Poche
Réédition
Public connaisseur
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Oristelle Bonis
Arles : Babel, janvier 2014
384 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-330-02697-4
Coll. "Noir", 104
Vivre debout
Tout l'art de la boxe consiste à donner plus de coups qu'en prendre et, selon les conseils de l'entraîneur dans ce livre, à surtout être capable de rester debout plus longtemps que l'autre. Leonid McGill aurait pu devenir boxeur professionnel mais cette petite frappe chargée des coups tordus a préféré se reconvertir comme détective privé. Un détective privé noir, fils de communistes... Certes, il a pris des coups car sa femme couche à droite et à gauche, un seul de ses enfants est de lui, mais il ne peut se résoudre à la chasser même s'il ne l'aime plus et qu'il fait le désespoir de sa maîtresse. D'un point de vue professionnel, il est coincé entre ses envies de rester honnête et de vivre scrupuleusement de son métier, mais ses clients sont surtout ceux qui connaissent son passé et savent qu'il n'a pas été tout le temps regardant avec la légalité.
L'intrigue est classique avec une histoire principale qu'il faut gérer et, comme la vie n'est pas toujours linéaire, à vouloir que les problèmes n'arrivent qu'un par un le temps que l'on puisse les régler, deux autres sous-intrigues s'entrelacent autour de ce tronc de départ. Leonid McGill a été chargé de retrouver quatre amis d'enfance pour le compte d'un client, mais à peine a-t-il fourni la liste des anciens compagnons que ceux-ci meurent bizarrement et que le client qui l'a engagé, lui aussi un détective privé, est retrouvé mort ! En parallèle, la volonté de bien faire du héros est perturbé par la commande d'un truand qui veut qu'il retrouve son comptable, et il comprend bien qu'il doit le retrouver avant que ce dernier ne parle à la police. De plus, pour leur bien, il surveille un peu ses enfants alors que son préféré semble mijoter des trucs pas catholiques avec une copine de classe...
Walter Mosley a du métier et sait présenter des personnages crédibles pour une comédie humaine qui joue sur des registres variés : scènes de vie familiale dense, rencontres musclées et tendues avec les truands, enquête de recherche et de déduction bien menés, coupe de la ville dans tous ses quartiers - de l'asile d'aliénés aux riches demeures cossues en passant par les bars interlopes et les banlieues calmes. Toute l'humanité se retrouve d'ailleurs tenaillée par les mêmes envies, les mêmes côtés sombres, les riches sachant user de la piétaille pour conserver leurs privilèges - ce n'est sans doute pas un hasard, si le père défunt du héros, véritable statue du commandeur, a été marxiste, d'où le prénom étrange de Leonid donné à son fils. Le Vertige de la chute est un roman noir centré sur son personnage et qui restitue avec finesses ses doutes, ses hésitations, sa lutte entre les pulsions de vie et de mort, entre ses envies de bonheur et ses obligations familiales, entre son besoin de pureté et les tentations de retourner dans un monde criminel où les choses se règlent de manières plus faciles, entre l'idée de justice et celle de vengeance. Comme l'indique le titre français, c'est la lutte perpétuelle d'un homme sur le fil étroit qui sépare le Bien du Mal, fil que l'on parcourt comme un équilibriste en redoutant et en espérant à la fois la chute.
Citation
Avant, du moment que le client payait, cela ne me posait aucun problème de casser des pauvres bougres ou de les coincer avec des preuves fabriquées de toutes pièces.