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Bibliothèque Philippe Zoummeroff : crimes et châtiments
Grand format
Inédit
Public connaisseur
Le crime paie
Attention ! Voilà une somme, un ouvrage rare qui n'a eu d'existence que le temps de la préparation et de la vente aux enchères. Cette collection unique est donc dispersée désormais. Presque tout à été vendu. Ce catalogue de trois cent quarante-trois pages n'est plus qu'un état de l'instant T et ne vaut, dans l'absolu, plus rien dès la fin de la vente. Pourtant, contrairement à l'idée que l'on peut se faire d'un catalogue de vente, il s'agit ici d'un énorme travail iconographique et littéraire qui présente, non seulement une photo, un descriptif et une évaluation du document mais aussi un commentaire pertinent qui le replace dans son contexte. Ce catalogue est donc une pièce de collection que tous les criminologues se doivent de traquer hors circuit traditionnel.
Philippe Zoummeroff, héritier et patron de l'usine d'outillage Facom, est un mécène collectionneur acharné et l'un des donateurs les plus généreux de France. Créateur de la revue Opéra, il a d'abord cédé à la Bnf près de cent mille disques avant de s'intéresser aux timbres avec un ensemble exceptionnel sur l'Algérie. Ici, il a confié à Bergé & Associés la dispersion de sa collection phénoménale sur le crime et ses châtiments. "Si j'ai décidé de vendre ma dernière collection, déclare-t-il dans un amusant article du Figaro, c'est que j'en ai assez qu'on me tape, c'est bien le mot, pour que je la donne à une bibliothèque. Je connais toutes les bibliothèques pénales de France, personne n'y va ! Si elles ont besoin d'être complétées avec des livres de ma collection, qu'elles me les achètent, ce n'est pas cher." Des trois affiches du XVIIIe siècle annonçant les sentences pour trois condamnés (lot 1 vendu 380 €.) à la fameuse première page de l'Aurore "J'accuse" par Émile Zola (lot 423 vendu 5100 €.), c'est un survol fantastique du crime et de sa répression qui nous est proposée : traités de sorcelleries, précis criminels de tous les siècles, grandes affaires (Damiens, Lafarge, Fualdès), descriptions des tortures légales (avec gravures), textes de lois, décrets, plans de prisons, ordonnances dont l'édition originale du fameux Code Noir ou Édit du Roy définissant les règles de l'esclavage en Louisiane en 1724, manuscrits, lettres, dessins de bagnards, fiches de Bertillon, dossiers de presse et photos argentiques sur les grandes affaires du XXe siècle dont un lot photographique et manuscrit sur Landru (couverture) mais aussi Marie Besnard, Dominici, Stavisky, Nozière, Bonnot, la mafia collabo etc. Et même quelques documents étrangers comme l'avis de recherche de Dillinger, des photos du supplice chinois des cent morceaux ou un étonnant trombinoscope des criminels américains dans un petit coffret fait main.
Philippe Zoummeroff est aussi à l'origine d'une fondation qui vient en aide aux prisonniers, et a été consulté sur le système pénitentiaire français. Il a été très choqué que l'annonce de sa vente déchaîne les médias, non en raison de la richesse incalculable de ses documents, mais par la présence d'un Mein Kampf original de 1925, mis à prix entre 3000 et 4000 €. qui dut être retiré de la vente. Lui, l'humaniste historien né juif, soupçonné de faire l'apologie du nazisme ! Un autre ouvrage fut aussi retiré de la vente : il s'agit "d'un extraordinaire recueil de documents concernant les assassins Rambert et Mailly, et les tatouages de criminels, réunis par le docteur Jean Lacassagne, dans une étonnante reliure faire avec la peau de Rambert". Sur la photo, on reconnaît en effet, le dragon volant tatoué sur la poitrine de Rambert, ainsi que le téton gauche et les poils qui y sont afférents. Les meilleurs ventes de cette collection incroyable ont été le lot 254 (14000 €.) "d'Émile Simonet dit Fanfan (né en 1911) chef d'une bande d'apaches lyonnais et dessinateur" constitué "de 3 cahiers avec manuscrit autographe signé et 21 dessins originaux (Lyon, 1930-1933) suscité par le docteur Jean Lacassagne, poursuivant l'œuvre de son père le professeur Alexandre Lacassagne (voir l'article sur le livre de Philippe Artières Le Livre des vies coupables) ; le lot 155 (15500 €.), un "ensemble exceptionnel de 317 pièces, dont 44 manuscrites ou partiellement manuscrites, autour du procès et de l'exécution du roi Louis XVI" et le lot 270 (20000 €.), une lettre manuscrite de quatre pages de Zola à Me Labori, avocat de Dreyfus, datée du 30 octobre 1898, qui constitue "une très belle réponse au défenseur de Dreyfus, après la décision de la Cour de Cassation de procéder à une instruction supplémentaire des faits de l'Affaire".
Une bibliographie incroyable qui se conclue par un index très pertinent.
NdR - La vente s'est déroulée le vendredi 16 mai 2014.
Citation
2 photographies le représentent assis au banc de l'accusé, la tête posée sur sa main gauche, l'air songeur. L'une est signée "Landru" en haut à droite. L'autre porte en haut cette dédicace ou légende autographe : "Rêvant à présenter une explication plausible à son défenseur Me Navières du Treuil, au sujet du chat galeux et famélique, précédent et seul occupant de la villa du mystère. 18 nov. (1915 biffé) 1921. Landru