Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit du japonais par Karine Chesneau, Annick Laurent, Corinne Atlan
Paris : Pocket, avril 2014
1042 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-266-24413-8
Coll. "Thriller", 15724
Éternel retour du même
Lorsque nous grimpons un escalier en colimaçon, nous sommes toujours pris entre deux impressions : celle de toujours revenir sur nos pas et de ne progresser que très lentement, et celle, cependant, de constater que le paysage se transforme lentement mais inéluctablement. Dès les titres qui évoquent cette idée géométrique de retour et de sinuosité (Ring, Double hélice et La Boucle), Koji Suzuki nous entraîne exactement dans le même ordre d'idées. De plus, conçu au départ comme des suites, chaque titre reprend à la fois des événements des moments précédents, moments qui sont même parfois ré expliqués en détail, comme une histoire policière qui reviendrait sans cesse sur ses indices.
Au cœur de l'histoire, il y a des recherches et des enquêtes, mais jamais n'apparaît la police car ce sont des meurtres aux marges, des disparitions aux lisières, comme les romans sont aux frontières de plusieurs genres. Ce sont pourtant trois figures de l'enquêteur, qui sont convoquées : le journaliste, le médecin légiste, le chercheur. Il est question d'indices, de codes à percer, de morts étranges, tous liés à des phénomènes inexpliqués. Le récit emprunte à de nombreux éléments des littératures populaires : la malédiction, le livre qui rend fou, le fantastique dans un large spectre - du simple frôlement par une chose inconnue, du simple frémissement d'un rideau, ou plus gothique, comme le déterrement d'un cadavre. Le tout est modernisé car la malédiction passe par une cassette vidéo et les spectres essaient de se réincarner par le biais de virus informatiques. Alors, la solution passera peut-être par les ordinateurs.
Derrière la vitrine du Japon, le lecteur est surtout confronté à un entrelac de quelques personnages : nulle foule (alors que se joue le sort de l'humanité), juste quelques acteurs isolés en proie à leurs propres démons intérieurs (morts d'enfants, cancer du père, viol des années plus tôt), comme si le monde moderne gommait les contacts pour ne laisser que des individus solitaires. À cet égard, l'un des personnages doit choisir entre sauver l'humanité et son fils, et il choisit résolument son fils.
Ring est efficace, et son adaptation cinéma l'a rendu célèbre. Mélange entre des traditions du roman populaire et des aspects technologiques modernes (qui d'ailleurs sont ceux qui ont le plus vieilli : cassettes vidéo, ordinateurs à disquettes), relancé au moment de la sortie d'un nouveau volet, la série offre un mélange intelligent du roman à énigmes et des enjeux scientifiques, pour décrire, à travers une dérisoire enquête sur quatre adolescents retrouvés morts, une échappée sur la disparition programmée de l'humanité, le tout dans une économie de moyens louables et quelques scènes qui savent jouer avec les nerfs des lecteurs.
NdR - Le recueil comporte les trois romans suivants : Ring (Ring, 1991), Double hélice (Rasen, 1995) & La Boucle (Loop, 1998).
Citation
Et à ton avis quelle tête ils faisaient au moment de mourir ? Eh bien, ils avaient peur, une peur qui déformait leurs visages.