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Les Deux mondes. 1, Le Réseau
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié
Paris : Sonatine, juin 2014
674 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-35584-112-5
Virtuel vs. réel
Le réseau du titre fait référence à Internet, et comme, lui, le roman se déploie comme une symphonie exponentielle : au départ, un événement anodin, qui en enclenche un autre puis un autre, et ainsi de suite ouvrant sur le destin de plusieurs personnages tous modifiés par le point de départ dans leur trajectoire routinière. Cette façon de construire l'intrigue est souvent reprise dans les littératures de l'imaginaire et ici elle fonctionne parfaitement.
Premier mouvement : tout d'abord nous suivons un ancien réfractaire à la guerre du Vietnam devenu patron d'un jeu en ligne très populaire, confronté à une guerre étrange qui sévit dans son jeu pour de mystérieuses raisons de couleurs. De plus, il engage sa nièce et son amoureux pour l'aider à y voir plus clair.
Deuxième mouvement : Zula, la nièce, et Peter, son amoureux qui vient d'ailleurs d'être éconduit, se retrouvent coincés avec un autre problème car Peter est un escroc qui a collecté des numéros de carte bancaire pour une gigantesque opération de la mafia russe. Seul problème : quelqu'un vient de pirater son fichier et demande une rançon qui sera à verser dans le jeu informatique ! Ce chantage n'est évidemment pas au gout du chef mafieux russe qui entraîne les deux jeunes gens à la recherche des hackers.
Troisième mouvement : les hackers vivent en Chine et vont être attaqués par l'homme de main des Russes, mais à l'étage au-dessus de leur atelier de piratage vit un terroriste islamiste international et, sans le savoir, Zula se trompe d'étage alors qu'elle annonce leur cible aux Russes ! Bien entendu, une espionne anglaise se trouve en face du bâtiment et surveille notre Ben Laden en puissance.
Cela peut sembler beaucoup, mais les récits s'entrelacent, reviennent sur le patron de jeux informatiques, évoquent des personnages secondaires intéressants. Neil Stephenson, qui a également écrit de la science-fiction, raconte aussi de manière prenante comment se construit un jeu en ligne, comment il se rentabilise, comment il crée ses prolétaires et sa face noire (car visiblement, le jeu est l'occasion de blanchir des profits illicites). Il sait décrire une scène d'action à la Quentin Tarantino avec dynamisme et brio.
D'autre part, Les Deux mondes peut être aussi vu comme une vision noire de notre propre monde : au début, le patron a convié toute sa famille pour une gigantesque fête dans laquelle tous tirent sur des cibles, comme si tirer était un jeu. Puis l'on évoque des jeux informatiques, nouvelle variante des jeux de rôle où justement l'on se met dans la peau d'un seigneur, d'un vassal, et l'on parle également de Counterstrike, l'un des derniers jeux en ligne où il convient de flinguer du terroriste à tout va. Or, lorsque l'intrigue avance, des vraies armes à feu parlent, des corps explosent et l'on tue (parfois) pour le plaisir. De plus, l'on s'aperçoit que ceux qui jouent des rôles de paysans dans le jeu sont de vrais prolétaires de l'informatique qui passent du temps pour obtenir quelques petits pouvoirs qu'ils monnayeront aux riches occidentaux pour progresser plus vite dans le jeu. Enfin, dans la réalité les terroristes sont très malins et s'échappent des griffes des gens lancés à leur poursuite.
En rétrécissant notre point de vue, le patron lui-même est un condensé de cette vision noire du monde : ancien réfractaire, petit trafiquant devenu gros, il est un patron capitaliste globalisé, comme un contrepoint musical en sourdine des grands mouvements symphoniques de l'ensemble.
Quand la musique ne s'écoutait que sur des tourne-disques, il y avait toujours un moment d'intense émotion lorsque l'auditeur tournait son vinyle et espérait trouver encore plus de bijoux en face B. le lecteur lui devra attendre fin août pour en savoir plus et comprendre comment tous les fils se nouent avec le second volet.
Citation
Ils se débarrassèrent de la plus grande partie de leurs armes à feu et profitèrent des lois étonnamment souples du Canada en matière de sabres : ils sillonnaient les petites routes de province avec des claymore d'un mètre cinquante accrochées dans le dos.