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Meurtriers sans visage - Les Chiens de Riga
Poche
Réédition
Tout public
Traduit du suédois par Philippe Bouquet, Anna Gibson
Paris : Points, janvier 2014
628 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-7578-3875-4
Coll. "Policier", 3162
Double dose
Succès de la littérature policière nordique, Henning Mankell est l'objet de toute l'attention des éditeurs : paru en volume simple puis en omnibus reprenant plusieurs titres, adapté à la télévision, voilà, pour ceux qui ne l'auraient pas encore lu, une nouvelle édition qui regroupe deux titres, les deux premiers opus de la série consacrée au commissaire Wallander.
Se met en place un policier des temps modernes : seul, un peu neurasthénique, conscient de ses erreurs et cherchant la petite bête, divorcé, encore amoureux de sa femme, ses relations avec ses collègues et ses supérieurs oscillent entre l'amitié (son modèle d'enquêteur meurt d'un cancer dès le premier volet) et la haine. Il a une fille disparue des radars familiaux et qu'il retrouve, la suivant dans la rue comme une vulgaire suspecte.
Les deux enquêtes proposées vont se dérouler dans deux univers différents. La première joue sur l'incongruité : un couple de vieilles personnes au fin fond de la campagne suédoise est assassiné d'horrible façon. L'enquête révèle une double vie de l'homme, mais sert surtout de détonateur au racisme ambiant d'une société épuisée, d'un modèle qui s'essouffle. Comme cette société qui survit sur des ruines et cherche à se reconstruire, Wallander, le policier, cherche à bâtir une nouvelle vie mais peine à le faire.
La seconde ouvre le pays sur ses voisins et sur le "thriller" international : deux hommes sont retrouvés morts sur un bateau dérivant et le lien avec les pays baltes se fait naturellement. Obligé d'accueillir un policier letton puis d'aller à Riga renseigner la police sur la mort de ce dernier à son retour au pays, Wallander est confronté aux suites de la chute du Mur, à la toute puissance d'un État en pleine mutation, à la corruption quasi généralisée, à une forme de barbarie à quelques kilomètres de sa Suède (que l'on pourrait croire) policée. Et vingt ans après se dire que les problèmes de Riga se sont à peine décalés du côté de Kiev ou que les immigrés en Suède ont des ressemblances avec les soucis des gens du voyage aujourd'hui.
Les deux romans ont tout de suite rencontré le succès, sans doute, grâce au style de l'auteur qui a su rendre avec quelques détails autant l'atmosphère étouffante de la province gelée, des petits paysans et des intrigues simenoniennes, que les angoisses qui peuvent naître d'un État totalitaire et de la chape de plomb s'abattant sur des citoyens ordinaires. Sans doute aussi, par la capacité à allier un personnage vivant crédible à une société en mutation, et à rendre compte des failles de la Suède (guère différentes de celles de nos régimes occidentaux), ou à montrer des criminels ordinaires, petites frappes du crime ou gestionnaires capitalistes de la misère humaine. Bref : à réussir l'osmose entre un individu et le monde qui l'entoure.
On en vient presque à envier le "jeune" lecteur qui va découvrir Wallander et ses angoisses, la société suédoise, un Occident à bout de souffle car, finalement, si un nouveau format permet à une génération plus jeune de découvrir un auteur majeur du genre, ce n'est pas une mauvaise nouvelle.
NdR - Le présent volume comprend les romans suivants : Meurtriers sans visage (Mordare utan ansikte, 1991, traduit par Philippe Bouquet) & Les Chiens de Riga (Hundarna i Riga, 1992, traduit par Anna Gibson).
Citation
Nous vivons dans un pays où le contrôle de nos concitoyens atteint à la perfection. Sans parler du contrôle interne qui existe dans la police.