Du sang sur Abbey Road

Bagayoko me jaugeait d'un air fat depuis son bureau immense et nu. J'avais oublié de préciser qu'il fuyait le travail comme la peste, déléguant tout ce qu'il pouvait à ses subordonnés pour s'adonner à son vice : le poker sur Internet.
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Roman - Policier

Du sang sur Abbey Road

Social - Musique - Assassinat MAJ vendredi 01 août 2014

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21,9 €

William Shaw
A Song From Dead Lips - 2013
Traduit de l'anglais par Paul Benita
Paris : Les Escales, janvier 2014
424 p. ; 23 x 15 cm
ISBN 978-2-36569-068-3
Coll. "Les Escales noires"

Décennies assassinées

En 1968, on rêve de révolution, de musique pacifiste : John Lennon vit avec Yoko Ono et les fans s'agglutinent autour d'Abbey Road, espérant voir leurs idoles. Le monde semble être plus fraternel, même si des signes vont dans le sens contraire car la police anglaise est violente et fait l'objet des premières grandes enquêtes pour corruption, la guerre du Biafra a laissé comme séquelle des réfugiés en Angleterre qui "viennent voler le bread" des locaux et les hommes des familles riches caressent les fesses des domestiques venues de province pour effleurer une vie londonienne bien décevante.
Ce mythe de fraternité éclate dès le début du roman lorsque sous un tas d'immondices on découvre le cadavre d'une jeune femme non identifiée. Cathal Breen, le policier chargé de l'enquête, est malgré son jeune age, déjà au bout du rouleau. Symboliquement, il est désarmé devant les connaissances des jeunes fans des Beatles, ne savourant que la musique classique. Vieux garçon obnubilé par son métier, il traîne la mort (et la mémoire) de son vieux père irlandais. L'histoire commence alors qu'il est malmené par ses collègues car il n'a pas secouru un partenaire lors de l'arrestation d'un Chinois - mais la réalité est bien entendu plus complexe.
Symbole de cette nouvelle Angleterre où arrivent au premier plan les drogues, la liberté sexuelle et l'homosexualité, l'on adjoint à ce policier en plein doute, mâle en déliquescence de l'époque, une jeune femme admiratrice des Beatles (cela va lui permettre de faire des pas en avant décisifs dans l'enquête), novice et dynamique, mais qui doit bien évidemment lutter contre le poids des préjugés.
Au milieu de l'enquête, Breen se casse le bras ce qui oblige sa nouvelle co-équipière à conduire la voiture. Quoi de mieux pour montrer les changements ? Pour le reste, William Shaw nous livre une description fine des milieux sociaux figés de l'époque avec des riches coincés dans leurs privilèges, des anciens militaires qui rêvent de grandeur tout en se livrant à l'endettement pour maintenir leur rang, des ouvriers encore fiers de leur travail, d'anciens "immigrés" provinciaux et irlandais et des nouveaux africains et asiatiques qui essaient de se faire une place dans la brume londonienne. En arrière-plan, le meurtre de la jeune inconnue révèle aussi les changements moraux et les réticences que cela provoque pour offrir une photo saisissante, sur le vif, d'un monde pas si lointain mais qui a déjà tellement changé.
Le titre est déjà une parabole de ce changement et de cette fin. Les années 1960 ont été un rêve, un rêve qui s'achève dans la désillusion. Ici, le sang des préjugés et du Biafra, ailleurs la trajectoire sanglante de Charles Manson. Ici les nouvelles générations qui s'adaptent, face à un inspecteur dépassé par les mœurs et qui ne peut que constater à quel point il est un dinosaure (moral ou sexuel) dans ce monde électrique et pop qui arrive. Comme si Miss Marple rencontrait les Kinks mais ne pouvait se décider à se trémousser sur leurs musiques diaboliques.

Citation

Ils se mirent à ronchonner comme des gamins qui se retrouvent dans l'équipe du gros lard. Comme tout policier de quartier, ils détestaient frapper aux portes et s'adresser avec politesse aux membres de la population.

Rédacteur: Laurent Greusard jeudi 31 juillet 2014
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