Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Maud Godoc
Paris : J'ai lu, juillet 2014
350 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-290-07910-2
Coll. "Pour elle. Romantic suspense", 8395
Terribles jouissances forestières
Californienne, ex-conseillère juridique, cinq enfants, plus de trente gros thrillers en neuf ans (mais comment fait-elle ?), Allison Brennan paraît chez J'ai Lu dans la collection "Pour elle. Romantic suspense" qui ressort six titres sous une nouvelle maquette.
A priori, le résumé de Traque fatale est un condensé de clichés et la photo de couverture ne fait rien pour arranger les choses. On y voit, dans des volutes de fumée, une sorte de James Bond, bras croisés, pistolet chromé pointé vers le ciel alors qu'ici, il aurait fallu un flic macho, voire un mec en treillis avec une carabine sur fond de forêt. Voici l'intrigue : un serial killer enlève des jeunes filles dans le Montana (en leur mettant du sucre dans leur réservoir d'essence), les torture et les viole pendant une semaine dans des cabanes pourries de chasseurs avant de les délivrer pour les traquer sadiquement pendant leur fuite éperdue et les abattre. Seule Miranda Moore est parvenue à s'en sortir vivante (au contraire de sa copine). Comme mise en bouche et en prologue, voici les sévices et la traque des deux filles. Le chapitre 1 débute douze ans plus tard : Miranda est devenue une policière acharnée contre le Boucher qui vient de faire une nouvelle victime. Alors qu'elle vient de rompre avec Nick, le gentil shérif, le FBI leur envoie l'une de ses perles, le viril Quinn, ex-amant, formateur à son école de police. On soupire. On devine déjà que Quinn et Miranda vont s'envoyer en l'air, que le Boucher va faire d'autres victimes, et que Miranda se retrouvera seule face à lui à la fin. Tout l'art de la romancière est donc de jouer sur les variantes de ce conte sexuel aux données invariables. Surprise ! Allison Brennan s'y montre particulièrement douée ! Au début, elle semble éviter les descriptions de tortures et de viols mais c'est pour mieux frapper ensuite. Au début, on pense que c'est encore la pire des recettes : imprimer des passages en italiques et changer de point de vue (Miranda, Quinn, le Boucher). Mais, pour une fois, celui de l'assassin apporte un réel plus. Sans dévoiler son identité, le voilà qui évoque les viols répétés que sa mère exerçait sur lui. Peu à peu, dans cet espace répugnant, le lecteur comprend que la mère est toujours présente, et même qu'elle participe aux tortures ! Bien sûr, Miranda est tout acharnée à la chasse au Boucher et Quinn n'est pas en reste. Mais la romancière réserve des surprises, notamment grâce aux personnages secondaires qu'elle utilise avec maestria pour faire monter la sauce et mettre en place la confrontation finale qu'elle doublera ensuite par un rebond bienvenu.
Allison Brennan s'impose comme un auteur de genre tout à fait compétente. Bien sûr, elle succombe au défaut du délayage mais c'est uniquement au niveau des scènes sentimentales. Même si elle ne parvient pas totalement à rendre compte du choc traumatique de Miranda par rapport au réapprentissage de la sexualité, voire de l'image de l'homme après son horrible expérience de victime, la romancière sauve les meubles dans la description prenante des réactions de son héroïne lors de son entrée finale dans la tanière où agonisent les dernières proies. Elle se montre très professionnelle pour le procedural et vraiment experte pour ses changements de scènes très cinématographiques. Par exemple, après le récit de l'examen d'une scène de crime dans un canyon, elle enchaîne sur le "point de vue" (dans tous les sens du terme) de l'assassin, à cheval, contemplant la scène d'un sommet proche. Sans s'appesantir, elle saisit bien les ambiances et surtout celle de la forêt. Enfin, elle sait manœuvrer son style et son découpage pour abuser le lecteur, ce qui est le top du genre (Lisa Jackson chez Harlequin en est capable elle aussi). Le néophyte pourra s'étonner de lire, dans une collection sentimentale, des scènes hard de viols et surtout d'inceste mère/fils (avec godemiché double). Qu'il sache que c'est le minimum dans le romantic suspense moderne ! Chez Harlequin dans la collection "Mira", Andrea Elliso dans « À l'heure où tombe la nuit nous raconte par le menu les pratiques nécrophiles de son serial killer de service tandis que Brenda Novak (une amie d'Allison Brennan) n'est pas en reste avec sa pédophilie religieuse et son inceste père/fille. On se demande bien de quoi causent ces romancières lors des conventions de littérature rose.
Citation
Les larmes montèrent aux yeux de Nick. Des larmes de pure haine. Et d'impuissance. Il entendait le claquement mat de la chair contre la chair, tandis que le Boucher violait Ashley tout en s'acharnant sur elle avec son engin de torture. Ses seins.