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Meursault, contre enquête
Grand format
Inédit
Tout public
152 p. ; 22 x 12 cm
ISBN 978-2-330-03372-9
Actualités
- 21/11 Prix littéraire: Les 25 livres de l'année 2014 du Point
Si l'on retrouve quelques auteurs incontournables de l'année, d'Emmanuel Carrère à Lola Lafon en passant par Adrien Bosc ou Olivier Adam, la sélection des vingt-cinq ouvrages de l'année, élaborée par treize critiques littéraires de l'hebdomadaire Le Point, mélange allègrement essais et romans qu'ils soient français ou étrangers, et brasse plutôt large. Dans cette sélection, on découvre évidemment quelques romans k-librés comme Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud chez Actes Sud et Le Chardonneret de Donna Tartt chez Plon sans oublier Le Fils de Philipp Meyer (Albin Michel) et surtout Extorsion de James Ellroy (Rivages) seul roman à faire partie d'une collection d'éditeur estampillée polar.
Sélection 2014 du Point :
- Le Royaume, d'Emmanuel Carrère (P.O.L.) ;
- Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas, de Paul Veyne (Albin Michel) ;
- Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal (Verticales) ;
- Comme un chant d'espérance, de Jean d'Ormesson (Héloïse d'Ormesson) ;
- Le Météorologue, d'Olivier Rolin (Le Seuil) ;
- Le Chardonneret, de Donna Tartt, traduit de l'américain par Édith Soonckindt (Plon) ;
- Les Plaisirs cachés de la vie, de Théordore Zeldin (Fayard) ;
- Voltaire contre attaque, d'André Glucksmann (Robert Laffont) ;
- Et rien d'autre, de James Salter (L'Olivier) ;
- Changer de modèle, de Philippe Aghion, Gilbert Cette & Élie Cohen (Odile Jacob) ;
- Peine perdue, d'Olivier Adam (Flammarion) ;
- Mémoires : le temps des décisions : 2008-2013, d'Hillary Clinton, traduit de l'anglais par P. Chambon, L. Chemla, P. Chemla & O. Demange (Fayard) ;
- Meursault, contre-enquête, de Kamel Daoud (Actes Sud) ;
- L'Incolore Tsuruku Tazaki et ses années de pélerinage, de Haruki Murakami, traduit du japonais par Hélène Morita (Belfond) ;
- Un bon fils, de Pascal Bruckner (Grasset) ;
- Ça c'est fait comme ça, de Gérard Depardieu & Lionel Duroy (XO) ;
- En finir avec Eddy Bellegueule, d'Édouard Louis (Le Seuil) ;
- Le Fils, de Philipp Meyer, traduit de l'américain par Sarah Gurcel (Albin Michel) ;
- Confucius et les automates, de Charles-Édouard Bouée en collaboration avec François Roche (Grasset) ;
- La Petite communiste qui ne souriat jamais, de Lola Lafon (Actes Sud) ;
- Une constellation de phénomènes vitaux, d'Anthony Marra, traduit de l'américain par Dominique Defert (Jean-Claude Lattès) ;
- Constellation, d'Adrien Bosc (Stock) ;
- Pétain, de Bénédicte Vergez-Chaignon (Perrin) ;
- Le Ravissement des innocents, de Taiye Selasi, traduit de l'anglais par Sylvie Schneiter (Gallimard) ;
- Extorsion, de James Ellroy, traduit de l'américain par Jean-Paul Gratias (Rivages).
Le jury du Point se compose de treize critiques du journal : Claude Arnaud, Jean-Paul Enthoven, Marc Lambron, Marie-Françoise Leclère, Élisabeth Lévy, François-Guillaume Lorrain, Thomas Mahler, Julie Malaure, Valérie Marin La Meslée, Christophe Ono-dit-Biot, Michel Schneider, Albert Sebag & Laurent Theis.
Liens : Extorsion |Le Chardonneret |Maylis de Kerangal |James Ellroy |Claire Gratias |Kamel Daoud - 07/10 Prix littéraire: Deuxième sélection 2014 du Prix Goncourt
- 07/10 Prix littéraire: Deuxième sélection 2014 du Prix Renaudot
- 04/09 Prix littéraire: Première sélection du Goncourt 2014
Un soleil dans une boîte
À l'été 1942 en Algérie, un dimanche sur les coups de midi, sous une chaleur caniculaire, Meursault tue un Arabe de plusieurs coups de revolver. De cet Arabe, on ne sait que très peu de choses si ce n'est qu'il faisait partie d'un groupe mené par l'amant de la femme d'une relation de Meursault. Mais L'Étranger, d'Albert Camus, va s'attarder dans une seconde partie au procès de Meursault, et va surtout mettre en avant la condamnation d'un homme non pas pour ce meurtre commis de sang-chaud sans préméditation, mais parce qu'il n'a pas pleuré à l'enterrement de sa mère au début du roman. Et l'Arabe va passer au second plan sans même être nommé.
Dans ce très beau Meursault, contre-enquête, l'Algérien Kamel Daoud redonne corps à cet Arabe par le truchement de son frère qui a vécu dans l'ombre d'un mort sous la protection malsaine d'une mère détruite et tourmentée. Le frère de l'Arabe harangue dès les premières pages le lecteur, Meursault et l'écrivain afin de raconter ce qu'il a (mal) vécu et comment tout cela a bouleversé sa vie allant même jusqu'à influencer certains actes criminels (ou pas) au parallèle troublant. C'est ainsi que si Meursaul tue l'Arabe à la mi-journée d'un été 1942 en pleine Seconde Guerre mondiale, le frère de l'Arabe tuera un Français en pleine nuit, vingt ans après, en pleine guerre d'indépendance, et qu'il manquera d'être jugé pour avoir tué au plus mauvais moment. Là encore, les causes reprochées ne seront pas les bonnes.
Mais réduire ce roman à ce parallèle serait hautement réducteur. Le frère de l'Arabe se raconte au crépuscule de sa vie. L'auteur pose la question primordiale du comment survivre à un drame (ici absurde) tout en faisant son deuil et en apprenant à exister. Ce n'est pas le frère de l'Arabe qui fait la contre-enquête, mais Meriem, une jeune femme de Constantine, libre et affranchie, qui fuit un père polygame au regard concupiscent. C'est elle qui se présente bien des années après au domicile maternel. C'est elle qui apporte le roman de l'écrivain célèbre au frère de l'Arabe. C'est elle qui soulève chez lui la passion et qui entretient une relation platonique qui le conduit à l'attendre parfois en vain à la sortie d'un bus. De sa lecture, le frère de l'Arabe retiendra principalement que l'Arabe est cité vingt-cinq fois sans qu'il soit expressément nommé. Dédain ultime qui fait qu'on ne lui porte pas non seulement attention, mais qu'on se refuse à lui donner corps et âmes.
De ce tourment nait toute une histoire, toute une vie, déclinée avec une écriture fluide, envoûtante. Un long monologue qui hésite entre calme et excitation. Le frère de l'Arabe partage avec le personnage de Raskolnikov dans Crime et Châtiment, de Dostoïevski, cette fièvre endiablée, reflet des Hommes entiers en proie aux affres de la société qui en réaction créent leur propre mystique. Rapprocher Raskonokiov et Meursault est donc tout sauf anodin. Les deux commettent un crime gratuit qui aura de sinistres conséquences sur eux et leur entourage. Et eux sont tout sauf de mauvais bougres, leur absence d'idéal (ou la vacuité de leur idéal) pourrait même les rapprocher. Le roman de Kamel Daoud, lui, est une ode fraternelle, pacifique, qui s'entête à rendre compréhensible l'incompréhensible avec même un regard posé religieusement sur la Religion qui ne peut apporter certaines réponses. Pour un premier roman, c'est une réussite qui approche la perfection. Souhaitons que Kamel Daoud perpétue lui aussi son "Cycle de l'absurde".
Récompenses :
Liste Goncourt : le choix de l'Orient 2014
Nominations :
Prix Joseph Kessel-SCAM 2015
Citation
Et bien sûr, le soir même, j'ai entamé ce livre maudit. J'avançais lentement dans ma lecture, mais j'étais comme envoûté. Je me suis senti tout à la fois insulté et révélé à moi-même. Une nuit entière à lire comme si je lisais le livre de Dieu lui-même, le cœur battant, prêt à suffoquer. Ce fut une véritable commotion.