Maman, les petits bateaux...

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Roman - Espionnage

Maman, les petits bateaux...

Huis-clos - Chantage MAJ vendredi 17 octobre 2014

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 6,2 €

San-Antonio
Paris : Pocket, juillet 2014
252 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-266-25030-6
Coll. "San-Antonio", 86

La croisière s'éclate

Un détracteur de la série des "San-Antonio" (si, si, ça existe, nous en avons rencontré) aurait beau jeu de brandir cette 86e aventure du commissaire, et d'y relever tout ce qui hérisse le poil de la bienséance littéraire et du consensus bêlant autour de ce que serait la "vraie" littérature.
De fait, ouvrons ces pages sulfureuses. L'auteur commence par une digression de cinq pages sur... son aversion pour le peuple allemand. Honnêtement, il serait difficile d'y voir du second degré, d'autant qu'il assume et revendique sa germanophobie viscérale (sur laquelle Frédéric Dard reviendra, fort heureusement, en signant notamment la préface de l'ouvrage Allemagne : du Rhin à Berlin1). Puis l'auteur s'excuse auprès de ses lecteurs. Non pas de ses propos anti-allemands, mais bien de ne pas commencer par de l'action pur jus, par des explosions et de la baise. Il nous décrit cette soupape qui a du mal à contenir toute cette vapeur créatrice, ce besoin de lâcher du lest, cette souffrance à devoir faire de la gaudriole alors qu'il aurait tant d'autres choses à dire.
C'est comme un round d'échauffement, un contrat de lecture on ne peut plus clair, la dichotomie qui s'exprime entre les affres du créateur et les attentes supposées de son lectorat. Et puis finalement, l'action commence. Et là, le type nous en met plein la gueule, outrancier, énorme, vulgaire, démesuré. Le début du livre est, clairement, une référence aux prégénériques des James Bond : action immédiate, exotique (Palerme et ses célèbres catacombes), courses-poursuites, fusillades, explosion d'immeuble, etc. Sans oublier deux nanas tringlées dans l'intervalle. Le message est clair : t'as voulu de l'adrénaline, mon pote ? Tiens, déguste ! C'est pas labellisé Albert R. Broccoli, mais ça y ressemble.
Et l'intrigue alors ? Il est évident, et presque aveuglant, que Frédéric Dard n'a pas la moindre idée de où son action le mène. En gros, San-A et Béru sont en mission à bord du Thermos, un navire de croisière français, chargés de surveiller un couple d'espions allemands. Le hic, c'est que des pirates décident de faire chanter le gouvernement français : une somme exorbitante, ou le Thermos explose en pleine mer.
Le rapport avec les espions est-allemands ? Euh, attendez, ça va arriver dans le dénouement, par un tour de passe-passe, pas de bile. Mais dans l'intervalle, allons-y pour les coups de théâtre, de bite, de feu, les meurtres, les orgies, la baston et la gaudriole.
Donc, San-Antonio ne serait qu'un amuseur, lorgnant du côté de Jean Bruce ou de Ian Flemming, teinté d'une légère xénophobie, d'une homophobie latente et d'une misogynie exacerbée (chaque titre de chapitre annonce qu'il va y sauter une souris, cahier des charges obligatoire) ?
La réalité est plus subtile ! L'accumulation de poncifs est bien trop outrancière pour qu'on y croie une seule seconde. C'est une complicité évidente qui se tisse avec le lecteur, un détournement flagrant des codes du genre. Oui, San-A et Béru tirent plus vite que leur ombre, oui, les passagères de ce paquebot ont le feu aux miches, oui, les méchants z'espions sont tous d'affreux salopards sanguinaires, mais amusons-nous avec ces codes, personne n'est dupe, d'ailleurs, tout est expliqué dans les cinq premières pages.
Et si l'on veut lorgner du côté de la "vraie" littérature, ce titre regorge de digressions d'anthologie. Imaginez un peu ce que Frédéric Dard, peintre douloureux du grotesque de la condition humaine, peut imaginer avec les passagers ventripotents et croulants d'une croisière de luxe ! Il y a des passages entiers qui lorgnent du côté de Louis-Ferdinand Céline. Du Mort à crédit qui suinte de certaines descriptions. Du Dubout mâtiné de Bosch dans l'évocation de ces troupeaux de variqueux confits dans leur suffisance et leur médiocrité.
Et si ça, c'est pas de l'art !

1. Patrick Le Cellier, Allemagne : du Rhin à Berlin, S.A.E.P. Ingersheim, Colmar, 1984.

Citation

Y'a pas : faut que je m'arrache. Surtout à un début de polar. C'est vital. J'en sais qui partent déjà. Qui disent : 'Oh, bon, s'il débloque d'emblée, qu'est-ce ça va être par la suite, quand il vadrouillera dans le gras.' Coûte que coûte, je dois m'interrompre la délirade, débander de l'envolée, que je pantèle dans la bonne action facile à suivre, péripétique, un peu foutreuse, juste la limite.

Rédacteur: Maxime Gillio vendredi 17 octobre 2014
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