Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Écosse) par Céline Schwaller
Paris : Métailié, octobre 2014
252 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 979-10-226-0131-3
Coll. "Noir - Bibliothèque écossaise"
Spectres du passé et fantômes du présent
Rien de tel pour créer un suspense que de placer son principal personnage dans une situation angoissante, et de faire en sorte qu'il perde tous ses moyens. Jane, le personnage central de ce roman de l'Écossaise Louise Welsh, est de ce point de vue là peu gâté pour l'intrigue. Lesbienne, elle a quitté le monde qu'elle connaissait pour suivre sa nouvelle amoureuse et découvre des lieux nouveaux, d'autant plus stressants que, provinciale, elle débarque à Berlin et dépend financièrement de sa compagne. Britannique, sa connaissance de la langue de Goethe est plus que limitée. Il faut ajouter à ce tableau qu'elle est également enceinte.
Alors qu'elle pourrait juste se détendre, les éléments extérieurs , peu à peu, rendent le séjour inconfortable : le passé nazi de la ville est omniprésent, ne serait-ce que l'endroit où elle vit et qui a été autrefois un centre de torture. Derrière l'immeuble, il subsiste encore des ruines de logements. Parfois les voisins sont réconfortants mais outre la barrière de la langue, ceux-ci sont assez étranges. Au milieu, surnage un couple de personnes âgées dont l'épouse est atteinte de la maladie d'Alzheimer, et qui parle sans arrêt de la mort d'une autre locataire comme s'il s'agissait d'un crime odieux. En se renseignant, Jane apprend que la personne décédée serait juste partie avec un autre homme mais que son mari, chirurgien et propriétaire de l'immeuble (et des ruines), est l'autre voisin vivant seul avec sa fille. Et son inquiétude va s'accentuant lorsqu'elle entend des cris comme si le père battait sa fille sur fond de violences incestueuses. L'héroïne n'a plus que sa compagne pour se retourner, mais cette dernière travaille beaucoup et son frère, censé aider Jane, a lui aussi un comportement des plus étranges...
La Fille dans l'escalier est un thriller psychologique qui, par moments, rappelle Rosemary's baby, le roman d'Ira Levine adapté au cinéma par Roman Polanski - une femme enceinte, un lieu anodin, douillet mais qui pourrait receler de multiples dangers, des compagnons et des voisins qui semblent aux petits soins mais qui sait véritablement ce qui se cache derrière la gentillesse des gens ? Surtout, Louise Welsh décale sans cesse les soupçons et multiplie les pistes et les questions. Qui est vraiment coupable et de quoi ? L'épouse partie est-elle vraiment partie ? Sinon, qui l'a tuée ? Serait-elle enterrée dans ces ruines qui attirent la voisine atteinte d'Alzheimer ? Serait-ce le frère qui aurait fait ce don initial de sperme, sorte de don incestueux, souvenir de ses "aventures" avec sa sœur ? En ce sens, le final qui révèle la solution officielle, dont le lecteur - mal à l'aise - sait combien elle est éminemment fautive, est un bon moment d'ambiguïté qui couronne un livre reposant tout du long sur Jane, ses faiblesses, ses doutes et sa volonté de redresser les torts alors qu'elle n'est finalement qu'une étrangère qui ne saisit pas tout.
Citation
Elle s'adossa contre la porte et se laissa glisser sur le sol, le cœur tambourinant dans sa poitrine, aussi fort que les pas qui résonnaient dans ses cauchemars et la réveillaient la nuit.