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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Christophe Mercier
Paris : Rivages, janvier 2015
522 p. ; 23 x 15 cm
ISBN 978-2-7436-2944-1
Coll. "Thriller"
Dans la peau du tueur
Souvent, l'on dit que plus le méchant est réussi, plus le roman policier est puissant. Ce slogan ne s'avère pas toujours exact mais force est de constater que c'est le cas avec ce nouveau roman de James Lee Burke. À côté de sa série fétiche, l'écrivain américain a entamé une deuxième série autour de Dave Holland, un ancien policier devenu avocat. Il renoue ici avec Hackberry Holland, apparenté au précédent, un personnage oublié depuis des années, shérif vieillissant, revenu meurtri de la guerre de Corée, et qui tente de vivre avec son code moral dans un monde qui bouge si vite qu'il en devient incompréhensible.
Tout commence avec un fait divers violent et sordide : des truands ont décidé de doubler un dealer local qui fait parvenir la drogue en utilisant des clandestines qu'il "nourrit" de drogue. Les truands ont simplement coincé neuf mules, les ont abattues et enterrées derrière une église en attendant que la décomposition leur permette de récupérer les doses de drogue... Mais l'un des truands, vétéran de la guerre d'Irak, n'a pas supporté l'affaire et a appelé la police.
Dieux de la pluie joue donc sur différents fils narratifs : le policier qui essaie de reconstituer les morceaux de son affaire, les différents gangs qui commencent une guerre, un tueur à gages chargé de faire le ménage et le traitre qui tente de s'en sortir et qui est amoureux d'une chanteuse. L'enchevêtrement de ces fils narratifs constitue une trame où de gros nœuds se forment. Ces gros nœuds sont captivants mais l'un d'eux fait pelote et attire plus particulièrement l'attention.
Le tueur qui se trouve au centre de l'histoire, est l'une des figures les plus frappantes qui aient été décrites : visiblement fou, empreint de religiosité et d'un code de valeurs qui le rend capable de la plus extrême brutalité en même temps que d'une bonhommie sans fin, "Le Prêcheur" est un être ambivalent rendu avec force. Par petites touches, on découvre ses relations tendues avec sa mère (et la fin étrange de celle-ci), son sens des valeurs, son besoin de créer son successeur en lui offrant une culture qui oscille entre la relation du maître et du disciple zen, et des variations à la Quentin Tarantino (longues dissertations philosophico-poético-mystiques), le tout en vivant dans une cabane perdue en montagne, à proximité d'une grotte où se prélassent des serpents venimeux. Malgré ce côté descriptif qui pourrait prêter à sourire, voire crier au stéréotype, le personnage est présenté dans sa complexité, mélange d'arrogance crasse et de bonne volonté religieuse intense, capable de pencher d'un côté comme de l'autre, comme un enfant qui fait ses premiers pas et que l'on regarde avec anxiété pour voir s'il va tomber ou pas. Son ombre portée est rendue avec un tel soin que les pages qui présentent les autres protagonistes en paraissent plus fades - même si elles sont de bonne facture -, ne servent que de contrepoints lumineux. Les autres personnages veulent s'en sortir même s'il faut transiger avec le monde, alors que le tueur est droit dans ses bottes et son honneur.
Plus que l'intrigue, assez classique, ce sont les démêlées des personnages, leur description acérée, qui font tout le sel de cet ouvrage de James Lee Burke, un ouvrage qui montre combien il sait conter une histoire et rendre vivants des humains.
Citation
Dans son sommeil, l'homme entendait toujours des clairons dans les collines, et leur écho était aussi froid que des balles qui résonnent sur la pierre.