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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Frédéric Brument
Paris : Denoël, février 2015
256 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-207-11778-1
Coll. "Sueurs froides"
Faux semblants
Alors que les jeux Olympiques de Los Angeles vont se dérouler (mais c'est une autre histoire), à Brooklyn en 1984 le jeune Mickey Prada, aux origines italiennes, travaille dans une poissonnerie depuis trois ans. Ses économies se montent à peine à deux mille dollars. Pas de quoi envisager une inscription à l'université pour étudier la comptabilité, mais le rêve américain n'a pas de prix. Seulement, du rêve au cauchemar il n'y a qu'un escalier facile à dégringoler. D'abord parce que Mickey Prada fraye avec une bande de trois garnements avec qui il joue au bowling quand il ne fomente pas le seul casse - qui plus est foireux - qu'il va jamais réaliser. Trois petites frappes qui, hormis Chris un ami d'enfance, ne le respectent pas (et ne manquent pas une occasion de le traiter de petit pédé). Ensuite parce qu'il y a Rhonda, cette jeune adolescente qui s'est entiché de lui malgré son côté ours, son gros nez et son absence totale d'expérience. Ensuite encore parce qu'après la mort de sa mère écrasée par un chauffard, il se retrouve seul à s'occuper de son père victime d'Alzheimer (il manquera d'un rien de se faire trancher la gorge en rentrant le soir dans leur appartement). Enfin parce que s'il ne parie jamais gros, il tombe entre les pattes d'Angelo Santoro, un mafieux qui ruine ses économies, malgré la présence d'esprit d'Artie, un bookmaker au portrait saisissant. Le roman de Jason Starr s'attarde sur cette plongée inéluctable en enfer. Le romancier décrit une à une les étapes qui amènent ce héros ordinaire tout droit vers la prison en passant par la case "petite criminalité qui dérape". Mais ce qui est intéressant, outre ce parcours typique d'un gosse des rues aux rêves envolés, c'est le portrait psychologique qu'il nous brosse avec des émois amoureux trahis, une amitié dépouillée, une famille anéantie, un collègue noir aux abois. Dans une veine romanesque classique, Jason Starr construit une intrigue autour de ce garçon qui se suicide en croyant bien faire. Alors, bien sûr, le suspense n'est pas de mise, tout ça parait convenu, mais le réalisme l'emporte sur l'évasion. On se prend d'affection pour ce Mickey qui se saigne aux quatre veines parce qu'il ne veut surtout pas que son père finisse dans un hospice. Et puis la déveine s'installe avec des jeux de jeunes qui ont leurs conséquences désastreuses, et surtout l'insidieux qui se glisse dans une camaraderie de façade. Petit joueur en ce sens est une jolie histoire racontée avec beaucoup de maîtrise qui offre un divertissement plaisant le temps des trois heures de sa lecture, et qui propose une vision culturelle du Brooklyn des années 1980, et une approche psychologique fine avec un final qui n'augure rien de bon pour ce pauvre Mickey.
Citation
Appelle ton putain de bookmaker. Si je perds, je serai là demain à midi pile pour rembourser la totalité de ma dette et effacer l'ardoise. Si je gagne, on reporte à la semaine prochaine. Dis à ton book que je veux placer ce pari aujourd'hui - Seattle à moins trois et demi. Si ça lui pose un problème, dis-lui d'appeler Angelo Santoro de la famille Colombo. Tu crois qu'il y aura un problème avec ça ?