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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Irlande) par Pierre Brévignon
Paris : Ombres Noires, novembre 2014
158 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-08-134927-8
Monsieur ferré
Monsieur Berger a l'air de sortir des romans du XIXe siècle, qu'ils soient britanniques ou français. Petit fonctionnaire insignifiant, il a le mérite d'exister et de mener une vie anodine, mais lorsque son administration se restructure, il préfère partir et vivre de ses rentes, chichement mais tranquillement, et espère enfin écrire le roman qu'il a en tête depuis des années. Retiré dans une campagne intemporelle, il pourrait alors mener une existence calme et plate, rêvassant à ce roman qui devrait changer la face du monde et qui ne verra sans doute jamais le jour, mais l'inspiration vient parfois aux moments les plus inattendus et Monsieur Berger se promène, mains dans les poches et nez au vent. C'est ainsi qu'un jout, le long d'une voie de chemin, il aperçoit une jeune femme avec un sac rouge. Une jeune femme qui ne tarde pas à se jeter sous un train. Mais l'accident ne laisse aucune trace et la police refuse de le croire. Pourtant, ce sac rouge lui dit quelque chose... Il veut revoir cette femme et quelques jours après le hasard aidant il la retrouve alors qu'elle va de nouveau se jeter sous un train. Il l'en empêche, la suit, découvre qu'elle se réfugie dans un vieux bâtiment - une librairie fermée. C'est là que son aventure peut commencer réellement.
Le récit de l'Irlandais John Connolly suinte tellement le XIXe siècle avec son lot de personnages désuets, de jeunes femmes lointaines et romantiques, où dans la grisaille des villes industrielles du charbon seul un sac rouge semble donner une couleur chatoyante, de comptes d'apothicaire où il convient de vivre de rien et sans excès, que l'on s'attend à voir surgir des fantômes au coin des rues. Nimbé d'une aura de mystère (pourquoi cette jeune femme s'est-elle jetée sous le train et pourquoi, surtout, s'en est-elle sorti ?), le court texte bifurque vers le fantastique. Mais la "réalité" est encore plus complexe qu'une simple et banale histoire de fantômes à la Charles Dickens. Tout le talent de John Connolly tient dans la tension qui naît d'une idée simple, déjà utilisée en fiction, mais qui est menée ici de main de maître : il ne manque pas un détail essentiel et tout le superflu, le gras, est évacué. Une histoire de gens ordinaires, décalés dans un monde moderne sans intérêt, et qui trouvent dans leur passion, un moyen de se protéger du monde, de le mettre de côté. Au vu de ce qui se passe dans l'actualité, c'est sans doute une solution sage. Dans Prière d'achever, l'auteur installe cette atmosphère simenonienne ou victorienne, une sorte de fenêtre sur un monde qui n'existe plus que sur quelques photos en noir et blanc ou dans des romans jaunis que quelques lecteurs, à l'instar de Monsieur Berger, ouvrent encore avec délectation. Et Dieu sait qu'ils ont bien raison !
Edgar Allan Poe Award "Best Short Story" 2014
Citation
Vu de l'extérieur, l'existence menée par M. Berger pouvait sembler ennuyeuse. Un constat auquel M. Berger lui-même aurait sans doute souscrit.