Contenu
Les Yeux plus gros que le ventre
Poche
Inédit
Tout public
Traduit du portugais (Brésil) par François Rosso
Paris : Folio, septembre 2014
320 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-07-045608-6
Coll. "Policier", 737
À déguster sans modération
Le roman policier a souvent été couplé avec le blues, le jazz et toutes les formes du rock, mais comment peut-il s'acclimater - même s'il y a de grands musiciens de ces styles variés sous les chaleurs sud-américaines - sous des cieux brésiliens ? Peut-être par l'intermédiaire du fado ou de la saudade, ce que tente ici Jô Soares avec la samba et surtout son personnage, Esteves, policier portugais, ami de Pessoa, chassé de son pays et réfugié dans au Brésil juste avant la Deuxième Guerre mondiale. Son intrigue gigote dans tous les sens. Elle mélange les corps et ne se prend jamais au sérieux.
L'histoire ? Un tueur en série a décidé de faire payer le pêché de gourmandise aux grosses femmes qui pullulent dans Rio. Il les kidnappe, les fait mourir en les gavant, les énuclée, puis dispose les corps dans des positions artistiques. Le commissaire chargé de l'enquête engage pour l'assister Esteves qui a longtemps été le Sherlock Holmes de la police lusitanienne avant de devenir pâtissier à Rio de Janeiro.
Le roman alterne les scènes où nous suivons le tueur dans ses actions, ses pensées, décrites avec une jubilation extrême, comme pour nous donner l'eau à la bouche : des femmes grosses pulpeuses, à la Rubens qui se tortillent sous l'avalanche de gâteaux qui les submergent, coincées parfois dans des confessionnaux d'où elles débordent ou pendues dans les décors d'un opéra. Le reste du roman consiste en l'évocation des milieux artistiques et des discussions des policiers, plus empreints de culture que de sciences balistiques.
En fond, l'auteur présente la vitalité du pays dans les années qui préfigurent la guerre : dictatures locales, débuts de la société de consommation à l'occidentale, visite des émissaires nazis qui ne viennent pas encore repérer des villas pour leur future retraite.
Comme les pâtisseries que les victimes dévorent, Les Yeux plus grands que le ventre est un texte sucré, calorique sans être gras, qui se déguste pour sa nonchalance, sa légèreté, ses personnages excentriques - un policier fan de Pessoa, un nain qui va vivre une double histoire d'amour malheureuse, un tueur qui sillonne la ville avec son corbillard blanc, et une esthète allemande.
Citation
Telles sont les dernières paroles de Charon Barroso, infortuné propriétaire des pompes funèbres Styx, avant de mourir bouilli dans le potage préféré de sa mère : une soupe grasse au chou, à la saucisse et aux épices qu'on appelle le caldo verde.