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Le Garçon qui ne parlait pas
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Gabriella Zimmermann
Paris : Calmann-Lévy, février 2015
284 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-7021-5452-6
Délaissement de la vie
Un roman policier met en scène un policier qui enquête sur un crime et qui tente de découvrir le coupable. Dans le nouveau roman que Donna Leon consacre au commissaire Brunetti, nous avons bien un policier, déjà connu des lecteurs du genre qui, de manière nonchalante, entre deux discussions avec son épouse, passe à son bureau et cherche les assassins. Nous avons également un mort : un jeune homme muet et attardé mental retrouvé décédé après une absorption de somnifères. Les médicaments ressemblaient à des smarties alors les pistes sont multiples : suicide, intoxiquation, crime maquillé... Le mystère vénitien commence sur ce doute qui, peu à peu, se double d'un autre. S'il y a bien un cadavre, que tout le monde est bien d'accord pour assurer qu'il s'agit de ce jeune homme, pourquoi ne trouve-t-on nulle part de documents administratifs qui prouveraient son existence ? Comme l'on navigue à la fois dans un début d'automne sur la lagune de Venise et dans les pénombres des secrets de famille, tout est brumeux, alourdi et ralenti. Les êtres se déplacent lentement, les phrases qui peuvent faire avancer l'intrigue tombent au compte-gouttes, des intrigues secondaires peu enthousiasmantes, voire ordinaires - y a-t-il de la corruption pour laisser le fils du maire poser des tables sur la voie publique devant son magasin ? -, se multiplient.
Le commissaire Brunetti n'a jamais été un foudre de guerre prompt à sortir son arme à feu et à courir après les gangsters ou les jeunes femmes de petite vertu. Il savoure sa "petite vie" avec ses deux enfants, son épouse et la joie de baguenauder dans les rues de Venise. Dans cet épisode, l'on sent tout le poids historique de la ville, la pesanteur des brouillards qui peu à peu engluent les rues après le départ des touristes, la lourdeur des familles historiques qui hantent ou survivent dans les derniers palais et veulent à tout prix préserver un univers qui s'effrite et s'enlise aussi vite que la ville elle–même. C'est une sorte de Maigret au ralenti dont le charme peut naitre justement de ce choix de lenteur.
Bien évidemment, le lecteur a sans doute compris depuis le début quel secret cache le mort, quel poids fataliste pèse sur cet attardé mental. Mais l'intérêt peut résider dans ce long decrescendo, cette symphonie qui s'étouffe lentement en sourdine, dans le plaisir pris dans une série qui amenuise de plus en plus son intrigue jusqu'à l'épure. Mais Le Garçon qui ne parlait pas s'apprécie surtout dans la continuité d'une série, et cet opus est plus ou moins réservé aux inconditionnels de Donna Leon.
On en parle : Lire n°434
Citation
Il sortit ses lunettes de lecture de sa poche et les chaussa ; c'était le meilleur moyen d'étudier ces lignes magiques qui captivaient le regard du spectateur avec la force d'un aimant.