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Poche
Réédition
Tout public
Dans la tête du tueur à plusieurs têtes
On connaissait dans la psychiatrie et dans le jeu trouble des auteurs de romans policiers l'intérêt pour les tueurs psychopathes. Il y avait eu notamment l'engouement pour les personnalités multiples qui cohabitaient sous le même crâne. Dans ce roman, Ivan Zinberg se sert d'une nouvelle découverte (ou invention), celle d'un assassin qui veut se transformer en un homme qu'il admire et qui passe par différentes identités d'emprunt, chacune ne sachant pas trop ce qu'a fait la précédente, comme une chenille subissant des métamorphoses pour devenir papillon.
Au départ, il y a deux enquêtes en parallèle avec d'un côté le lieutenant Paul Lorenzo de la police de Portland qui se pose de multiples et essentielles questions : pourquoi le tueur est-il revenu sur les lieux où il avait enterré un cadavre ? Pourquoi l'a-t-il surtout déterré pour le brûler quatre ans plus tard ? En même temps, un jeune étudiant sur le campus de Seattle, féru d'informatique, qui espionne ses professeurs pour pouvoir tricher aux examens, découvre que certains de ses professeurs créent des drogues OGM. L'un des savants est retrouvé mort, assassiné...
Il y a plusieurs aspects dans ce thriller. Le plus positif, c'est le sens du rythme, la montée de l'angoisse, les questions posées dans une intrigue labyrinthique prenante, avec des pressions continuelles - notamment le fait que les scientifiques travaillent en sous-main pour enrichir un sénateur local et que le FBI couvre les pistes car quitte à avoir des trafiquants, autant qu'ils soient vos amis... Autre aspect positif et pas des moindres : certains des personnages secondaires sont intéressants, bien dessinés et en quelques lignes obtiennent une silhouette dense. C'est le cas des agents du FBI ou d'un policier qui songe plus à sa carrière qu'au travail, ventripotent, suant et obligé de se contorsionner pour visiter les tunnels et sous-sols de la faculté. C'est aussi le tueur dont le plan machiavélique (et les astuces de son créateur pour le rendre vivant) est décrit avec soin.
Le bât blesse un peu plus avec le personnage central, le lieutenant Paul Lorenzo, un peu trop stéréotypé car alcoolique, suite à la mort de sa femme et de ses enfants dans un accident de la route, il est en butte aux remarques de son patron et veut reconquérir son estime en trouvant la solution de l'énigme étrange de ce corps déterré. Il s'acoquine avec une psychiatre qui connaît celui qui est peut-être le tueur, en tout cas, un jeune homme disparu dont les papiers ont été retrouvés sur le cadavre. Évidement une relation complexe s'instaure entre eux deux.
Jeu d'ombres est un thriller qui laisse de côté le style et joue avec des situations connues pour explorer une intrigue forte et prenante, menée avec vivacité et qui n'aurait pas à rougir de la comparaison avec des poids lourds du genre. Un premier essai qui laisse augurer une carrière prometteuse.
Citation
Une atmosphère étrange régnait dans la pièce : air lourd, faible éclairage, silence de plomb. Pas de hard rock en fond sonore comme chaque soir.