La Curiosité est un péché mortel

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Roman - Policier

La Curiosité est un péché mortel

Assassinat - Victorien MAJ mardi 09 juin 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Inédit

Tout public

Prix: 7,5 €

Ann Granger
A Mortal Curiosity - 2008
Traduit de l'anglais par Delphine Rivet
Paris : 10-18, mai 2014
356 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-05874-4
Coll. "Grands détectives", 4804

Mélo en col dur

Ann Granger a fait carrière dans l'administration des ambassades étrangères puisqu'elle a été en poste en Zambie, en Allemagne et en République tchèque. Parallèlement, elle a entamé une carrière en littérature, non dans l'espionnage comme sa position en ambassade aurait pu le lui permettre, mais dans le sentimental d'abord chez Harlequin (sous le nom de Ann Hulme) puis dans le policier. Débuter dans le sentimental est un moyen idéal de parfaire son style et surtout sa technique. C'est particulièrement frappant dans sa série victorienne mettant en scène la gouvernante Lizzie Martin et le policier Ben Ross. Déjà, dans ses autres romans policiers contemporains (Dîtes-le avec du poison ; Cimetière à vendre), Anne Granger sait mettre en place une progression implacable des sentiments de ses héros basée sur le rejet initial de la femme qui veut prendre son temps pour s'habituer à l'entrée de l'homme dans son intimité. Il s'ensuit un jeu amoureux codé où la femme, par ses manœuvres, évite de tomber dans le piège de la mijaurée pour acquérir une personnalité forte rarement observée dans la littérature de genre. C'est ce côté plutôt féministe qui est l'atout principal d'Ann Granger. Et quand elle applique cette méthode au genre victorien, elle part d'emblée avec un bon atout.
Dans Un intérêt particulier pour les morts, l'excellent premier roman de la série, la romancière dynamise le genre ronronnant d'Anne Perry. Elle synthétise, en une intrigue simple, diverses données économiques et sociales du milieu du XIXe siècle. La montée de la bourgeoisie, l'avènement des grandes inventions comme le chemin de fer, l'exploitation des masses laborieuses, les profits de l'immobilier, le déclin de la noblesse sont ici combinés avec le désir d'évolution sociale d'une fille de docteur pauvre devenue femme de charge et celui d'un des premiers inspecteurs en civil de Scotland Yard. Ils prennent tour à tour la parole en tant que narrateurs de l'histoire. Dans le deuxième roman, La Curiosité est un péché mortel, toujours chez 10-18, l'intrigue se déplace de la ville à la campagne où Lizzie est nommée dame de compagnie d'une très jeune épousée (cloîtrée chez ses deux tantes vieilles filles) dont le mari a été expédié en Chine par la firme familiale et qui vient de perdre son bébé à la naissance. Pendant le voyage, Lizzie est accompagnée d'un fringuant aliéniste. A-t-il été employé pour évaluer le degré de folie de la jeune Lucy Craven qui refuse de croire à la mort de son bébé ? Toujours est-il qu'à peine arrivée sur les lieux, Lizzie se retrouve au cœur d'une enquête domestique : l'attrapeur de rat, un gitan baroudeur, a été poignardé dans le jardin avec le coupe papier de la maison !
Ann Granger dit s'être inspirée d'une stèle funéraire, reproduite en fin d'ouvrage, pour construire son intrigue. De fait, l'original métier de cette victime complètement hors normes dans les littératures policières classiques en fait un sujet de choix pour une étude sur les mœurs de la grosse bourgeoisie provinciale, ses rapports avec le bas peuple et son horreur du scandale. Mais Ann Granger se fait piéger par son intrigue car ses ingrédients documentaires (la naissance illégitime, l'abandon, le tutorat de fortune, le système honteux des hospices et des nourrices bas de gamme) ne peuvent être développés qu'après le dévoilement du secret familial et donc l'identité du coupable ! Voilà qui alourdit et gauchit le final. Du coup, le corpus de l'histoire joue à fond les conventions victoriennes du début du roman policier (Wilkie Collins, Mary Elizabeth Braddon) avec orpheline martyrisée, gitan ténébreux, amour enfui, mystère sur la folie, trafic de bébé et voisin ambigu se promenant sur la lande. Heureusement, la romancière possède une maîtrise exceptionnelle de la progression de ses dialogues. Elle est capable, grâce à ses deux points de vue, de dramatiser son intrigue par le simple rappel constant des faits et des lieux. Enfin, elle n'a pas son pareil pour resserrer ses indices et jouer avec un humour certain sur les hésitements amoureux de ses héros. Bref, Ann Granger est l'archétype de la romancière British populaire de qualité.

Citation

Elle s'empara d'une paire de ciseaux posée sur une table de couture et se jeta sur sa tante.

Rédacteur: Michel Amelin mardi 09 juin 2015
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