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Du sang sur l'arc-en-ciel
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Jean Esch
Paris : Le Seuil, mars 2015
494 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-02-123078-9
Coll. "Policiers"
Tout changer pour que rien ne change
Rien n'est jamais aussi clair ni net qu'il pourrait sembler. Prenez l'Afrique du Sud. C'est un pays emblématique dans lequel il y avait d'un côté les méchants liés à l'Apartheid et les gentils qui voulaient la juste reconnaissance de leurs droits. Puis est soudainement apparu un processus de paix et de réconciliation et, aujourd'hui, une société arc-en-ciel. Mais derrière cette belle façade, comme souvent, les éléments sont plus compliqués et beaucoup moins manichéens. Il reste des traces tangibles de ce passé révolutionnaire violent. Par exemple, perdu dans le désert, des caches secrètes conservent encore des cornes de rhinocéros. Elle servaient de contrebande et de mannes financières pour les groupes anti-Apartheid. Aujourd'hui, quelques personnes connaissent encore l'existence de ces "banques masquées" et ont bien envie de s'en servir pour leur propre bénéfice. Autre reste du passé, un reste autrement plus dérangeant : des policiers ont été utilisés comme escadrons de la mort. L'un de ces groupes, particulièrement performant, s'est dissous à la fin de la guerre sale et ces membres vivent discrètement, tentant de ne pas faire de vague, car ils savent d'une part que la vengeance de leurs anciens ennemis serait terrible et d'autre part, ils possèdent des secrets sur certaines opérations qui ont peut-être autant servi leur État que certains groupes à l'intérieur du camp ennemi. Ont-ils toujours éliminé une menace pour l'ordre ou ont-ils aidé à favoriser un clan ennemi prêt à se rallier à leur État ? Pour le reste, rien n'a changé. Les nouveaux puissants n'ont rien à envier aux anciens. Ils magouillent avec les subventions gouvernementales qui sont chargés de favoriser les populations noires, ils corrompent les gens pour leurs passe-droits. Par exemple, lorsqu'un jeune homme est écrasé lors d'une course clandestine de voitures, la famille du chauffard aligne les liasses sur la table pour museler la parenté de l'accidenté.
Mike Nicol dresse un bilan sans concessions de cette nouvelle société à travers le portrait de différentes personnages à l'instar de Fish Pescado, ce détective privé qui est assez têtu pour ne pas se contenter des formules lénifiantes et veut découvrir la vérité malgré les mises en garde. La forme est très classique, le style aussi. Le polar est un bon moyen de présenter une réalité sociologique et politique. Ce sont des personnages vivants et crédibles - un ancien chef de la police, les "petites mains" des commandos de la mort, les chefs de la résistance qui pactisent avec certains dirigeants de l'Apartheid pour préparer l'après-guerre civile, lorsqu'il faudra partager les nouveaux postes et les nouvelles prébendes, la nouvelle génération qui se moque bien des combats gagnés ou perdus mais veut le confort et la belle vie. En passant de l'un à l'autre, en revenant sur des affaires réelles (dont le meurtre de Dulcie Septembre à Paris), Mike Nicol présente une société qui correspond assez bien à la phrase de Talleyrand : "Tout changer pour que rien ne change."
Citation
Il regarde la cuvette de la ville, cette ville où il va être jugé, obligé de rendre des comptes parce qu'il a fait son travail. Pour avoir tenté de guérir un pays malade.