Le Grand livre des espions

Si se taire était pour un nombre considérable de femmes une corvée, en réalité la plupart ne disaient jamais rien d'important. Beaucoup de gens pensaient que c'était par ignorance, Kolvair savait bien que, concernant certaines, il s'agissait au contraire d'une redoutable feinte.
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Essai - Espionnage

Le Grand livre des espions

Géopolitique - Complot MAJ mardi 16 juin 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20,9 €

Monsieur X & Patrick Pesnot
Paris : Fayard, mai 2015
384 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-213-68257-0

Taupe niveau

Alors que "Rendez-vous avec X", son émission culte sur France Inter le samedi après-midi, s'arrête fin juin après vingt ans d'existence, Patrick Pesnot, journaliste, scénariste, romancier, producteur de télévision et de radio, publie deux ouvrages pour consoler ses fidèles : Les Meilleurs d'entre nous chez Hugo & Cie et Le Grand livre des espions chez Fayard.
Cet épais ouvrage imprimé en gros caractères sur papier épais (exact contraire des messages secrets) aligne seize histoires de trahison où des hommes et des femmes partagent un même goût du danger extrême, d'une reconnaissance et, parfois, de l'argent. Car les espions sont bien payés, surtout s'ils occupent des postes importants au sein de leur organisation. Ils peuvent même être payés en amour par leur compagne (ou compagnon) en service commandé qui les manipulent souvent pendant des années. Mais, le retour de bâton est lui aussi bien payé : des dizaines d'années de prison quand ce n'est pas l'exécution pure et simple.
Certaines affaires restent dans les mémoires comme "les traîtres de Cambridge", universitaires de haut niveau travaillant pour l'URSS et dont le dernier, sir Anthony Blunt, fut cassé par Margaret Tatcher qui entendait détourner l'opinion publique de ses dures lois sociales. Autre grande affaire, celle de Farewell, nom de code du lieutenant-colonel Vladimir Vetrov, responsable du VPK, organe du KGB spécialisé dans l'espionnage industriel et qui, par l'intermédiaire d'un cadre de Thomson-CSF, joua la taupe pour la DST française.
Mais le mérite du livre, c'est de nous raconter aussi des périples d'espions plus confidentiels pour le grand public dont Elie Cohen, très introduit dans les arcanes syriennes en 1965 et agent du Mossad israélien qui fut pendu en public. Ou Ashraf Marwan, gendre de Nasser et lui aussi taupe pour le Mossad. Grâce à l'Américaine Ana Montes, analyste senior à la DIA, Cuba a eu une taupe au plus haut niveau du contre-espionnage américain, tandis que Robert Hanssen, au cœur du FBI, a joué le même rôle pour l'URSS.
L'auteur débute souvent ses histoires par une scène cruciale (une rencontre décisive, une nouvelle tragique, un tournant dans le destin) située plutôt en fin de parcours de l'espion. Puis, selon la technique journalistique du flash-back après le "chapeau", il retrace le périple. Chronologie qui court-circuite un peu la lecture surtout si l'on prend en compte les données politiques compliquées qui entrent tout de suite en jeu. États-Unis, URSS, Chine, France, Royaume-Uni, Égypte, Israël, Syrie, Cuba, Syrie, Cuba, Allemagne de l'Est et de l'Ouest, Vietnam... tous les pays espionnent et sont espionnés. Des messages sur papier aux photographies, des machines à écrire, à coder, à transmettre des signaux, aux rendez-vous sous pseudonymes, toutes les techniques sont utilisées pour capter des informations obtenues par un emploi dans un service dûment désigné par des initiales obtuses. Et tout ça pour la gloire, le goût du risque, de l'argent, l'amour de la patrie, ou l'amour tout court. Car il y a des commandos de tombeurs russes pour secrétaires esseulées, des brigades de pin up pour ambassadeurs, des bataillons de travestis chinois pour hommes d'affaire...
Loin d'être racoleur, l'ouvrage de Patrick Pesnot a le mérite de nous plonger dans les machiavéliques manœuvres qui se trament dans l'ombre des politiques mondiales. Oui, il y a encore matière à écrire pour les prochains John Le Carré et Robert Ludlum !

Citation

Il lui fallait encore dissimuler le fruit de son labeur, rouleaux de pellicules et pelures. Il utilisait souvent des emballages de nems et parfois même le ventre de poissons morts.

Rédacteur: Michel Amelin mardi 16 juin 2015
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