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Poudre d'héroïne, poudre d'explosif
Lorsque nous écoutons les informations et entendons parler d'attentats terroristes, les plus anciens d'entre nous se souviennent des attaques ciblées du groupe Action Directe ou de la R.A.F. (allemande et non anglaise !). À l'époque, de nombreux bruits ont couru sur le financement de ces mouvement par l'Union soviétique. Il faut dire que nous étions en pleine guerre froide. Qu'en est-il aujourd'hui avec les mouvances intégristes islamistes qui sont nanties en armes, suivent des cours sur le maniement des explosifs et semblent ne pas avoir de problèmes pour subvenir à leurs moyens ? La Filière afghane est certes un roman, mais c'est un roman particulièrement bien documenté. Pierre Pouchairet, son auteur - dont nous avions apprécié l'année dernière Une terre pas si sainte-, est un fonctionnaire de police qui travaille dans la brigade des stupéfiants et qui a un temps été envoyé à Kaboul, entre autres, pour coordonner la lutte contre la drogue... C'est grâce à ces informations de première main que l'auteur a donné autant de relief à son roman. Mais il serait injuste de limiter à cet apport documentaire à la qualité du livre.
L'ouvrage se situe sur plusieurs plans : une brigade de police dans la sud de la France lutte contre les trafiquants de drogue d'une cité de Nice, multipliant les planques et les petits réseaux d'information pour accumuler des indices afin de faire tomber tout le gang. Ils ont même réussi à placer un informateur au sein du groupe, mais tout est difficile, y compris pour le dit informateur lorsqu'il doit se transformer en gladiateur pour effectuer une sorte de jugement de dieu afin que son chef puisse départager ses deux adjoints, dont l'un aurait pu le trahir. Cette unité de police est aussi surprise par un imam local qui semble avoir des liens avec le gang. Et leur enquête classique sur le trafic pourrait avoir des répercussions autres, notamment autour d'un réseau terroriste qui prépare un attentat conséquent dans un train. D'un autre côté, nous suivons le parcours idéologique de petits habitants de la banlieue qui, peu à peu, habilement, par touches subtiles, sont amenés à devenir radicaux et à partir faire le djihad ou à se déguiser en "bons citoyens", en cellule dormante d'attentats futurs. Version exotique, Gabin, l'un des policiers, est envoyé en Afghanistan, afin de vérifier les liens entre le gang et les pourvoyeurs de drogue. Il va découvrir la violence, la corruption généralisée - notamment dans une scène quotidienne et horrible où de faux policiers bloquent un convoi de vrais policiers pour les abattre-, et comprendre que cette drogue enrichit les trafiquants, mais aussi les circuits islamistes qui servent de passeurs, de relais ou pour le blanchiment.
Toutes ces intrigues, et des petits éléments montrent l'infiltration des groupes par des agents secrets français ou la porosité de tous ces milieux - dealers, indics, policiers, ripoux, terroristes, agents infiltrés qui doivent jouer le jeu des gangs ou des terroristes pour les surveiller encore mieux. Une humanité grouillante où se côtoient des grands élans de compassion, des calculs égoïstes et des délires de psychopathes. Une humanité qui donne une tonalité forte, prenante, réaliste, à une documentation vécue intelligente et distillée avec soin pour nous montrer combien il sera difficile de lutter, de juguler, de se battre et d'espérer un avenir un peu moins violent. Un thriller aux implications internationales mais vu par les gens du terrain, complexe, vivant, prenant, qui se lit d'une traite.
Récompenses :
Prix Interpol'Art "Roman" 2015
Citation
Il était bien placé pour connaître les liens qui unissaient Ismail Güzel aux trafiquants mais il savait aussi que l'homme avait la réputation d'être un véritable religieux.