Apnée

Sa vie était un voyage sans but et, en voyant l'autobus s'éloigner de Hlemmur, Erlendur avait presque l'impression de se voir à sa place, voyageur solitaire et sans but, condamné à une éternelle errance dans l'existence.
Arnaldur Indridason - Les Nuits de Reykjavik
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

La Cité sous les cendres
Dix ans ont passé depuis que Danny Ryan et son fils ont dû fuir Providence et la vengeance d'une fami...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

jeudi 21 novembre

Contenu

Roman - Espionnage

Apnée

Tueur à gages - Finance - Complot - Trahison MAJ mercredi 01 juillet 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22,8 €

Joakim Zander
Simmaren - 2013
Traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy, Karin Serres
Arles : Actes Sud, avril 2015
380 p. ; 24 x 15 cm
ISBN 978-2-330-04890-7
Coll. "Actes Noirs"

Trahisons au plus haut niveau

Le livre s'ouvre sur une scène violente : l'explosion d'une voiture piégée, à Damas, en 1980, narrée à la première personne par un homme (nous comprendrons vite qu'il s'agit d'un agent secret) qui y assiste du haut d'un balcon, tenant dans ses bras l'enfant qu'il va devoir abandonner. L'explosion – ne serait-elle pas la conséquence d'une erreur d'objectif ? - tue la femme de sa vie et il en gardera un terrible sentiment de culpabilité qui le poussera à se lancer dans des missions secrètes partout dans le monde et à nager sans relâche (le titre original du livre est d'ailleurs Le Nageur). Le reste de l'intrigue se déroule fin 2013, essentiellement à Bruxelles, mais aussi à Paris, Amsterdam et en Suède, ainsi que, dans les chapitres rétrospectifs intercalés (narrés à la première personne, alors que le reste l'est à la troisième, et au présent, alors qu'ils évoquent pour la plupart un passé dans le passé) retraçant l'itinéraire de l'homme du balcon, aux États-Unis et en divers endroits du Moyen Orient. Au centre de l'intrigue : Mahmoud Shammosh, ancien para suédois, bisexuel, maintenant étudiant en droit à Uppsala qui rédige une thèse sur la privatisation de la guerre et a eu une liaison avec Klara Walldéen (fille de la victime de l'attentat, maintenant attachée parlementaire d'une députée européenne) ; et George Lööw, lobbyiste suédois travaillant à Bruxelles, chargé de traduire confidentiellement un rapport des services secrets sur Mahmoud, qualifié de "terroriste". Celui-ci reçoit la photo d'un homme horriblement torturé accompagnée d'une demande de rendez-vous discret à Bruxelles, où il est venu participer à un colloque. Il y rencontre une vieille connaissance du nom de Lindman, qui a juste le temps de le charger de trouver un acheteur pour des documents d'importance mondiale avant... d'être abattu d'une balle dans la tête. À partir de ce moment, Mahmoud est recherché tant par la police que par des tueurs à gages. George, lui, est obligé (chantage professionnel à la clé) d'espionner... Klara Walldéen et c'est lui qui fournit à son insu le moyen de suivre Mahmoud à la trace. Une implacable machine alors se met en marche et broie Mahmoud, tandis que la quête de l'agent secret pour retrouver sa fille et connaître la vérité sur son propre passé de manipulé se précise. La fin du livre, bâtie sur le principe du montage alterné, se veut haletante et y parvint assez bien, sans trop de concessions (un peu, seulement) au sensationnalisme hérité du cinéma et des séries télévisées. Il y a même des moments d'authentique émotion et un rien de révolte devant la saloperie du monde dit civilisé. Et la fin est assez finement concoctée pour ne pas trop heurter la vraisemblance tout en n'étant pas d'un cynisme intolérable.
Ce livre est bien plus impressionnant, en fait, que toutes les grosses superproductions avec effets spéciaux en 3D, car il reste soigneusement au niveau du banal et du quotidien, et met en scène des personnages ordinaires aspirés dans un tourbillon de faits que les dépassent de loin et ont trait à la (triste) marche du monde à son niveau le plus élevé. Nul besoin de suspense artificiel concocté par ordinateur, les faits se suffisent à eux-mêmes. Cette histoire possède à la fois du relief et de l'humanité. Il y est beaucoup question de trahison et la conclusion est bien sûr que, dans l'univers "impitoyable" de la haute politique mondiale, on n'a de pire ennemi que ses amis. Curieusement, le personnage "en creux" (car anonyme et mineur quant à son rôle dans le livre) de l'agent secret est passionnant. C'est en tout cas lui qui est porteur de la morale de l'histoire, via ses doutes sur les méthodes occidentales en Orient (il a jadis travaillé avec les Taliban contre les Soviétiques et est donc bien placé pour juger des effets dévastateurs d'une politique dans laquelle l'aveuglement le plus stupide donne cordialement la main aux intérêts les plus sordides). Un tel livre ne peut que laisser sceptique sur l'issue du combat "pour la démocratie" mais c'est le prix de la véracité. Ajoutons qu'il est étonnamment bien écrit pour le genre dans lequel il s'inscrit. On peut donc le recommander sans scrupules, tant pour le fond que pour la forme.

Citation

Entre quelles mains déposerons-nous le destin de ce monde ?

Rédacteur: Philippe Bouquet mercredi 01 juillet 2015
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page