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Les Grandes affaires criminelles du Jura
Grand format
Inédit
Tout public
392 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-8129-1495-9
Coll. "Histoire et documents"
Jura, mais un peu tard
On ne saurait que conseiller cet auteur qui a déjà fait ses preuves avec Les Grandes affaires criminelles de Haute-Saône et du Territoire de Belfort. C'est l'un des rares à concilier avec talent documentation historique et style. C'est en effet une gageure d'écrire dans cette collection où de multiples pièges s'ouvrent, béants, sous le clavier, tant la multiplicité des affaires et des époques sont coincées par le nombre restreint de la dizaine de pages qui doit être consacrée à chacune. Choisir la documentation pure ? On tend vers le rapport. La novélisation ? La faiblesse du style de l'auteur apparaît au premier plan car il se réfugie alors dans des structures narratives scolaires pour ne pas dire simplistes. Dur challenge.
Le Jura, était l'un des derniers départements à ne pas être traité spécifiquement dans la collection. Est-ce parce qu'il n'avait même pas de bourreau attitré ? Bernard Hautecloque relève donc haut la main le défi en combinant avec un réel talent la documentation, la vulgarisation, l'humour et l'entrain de l'histoire en distillant çà et là, des petites notes savantes et des liens instruits vers des personnages mythologiques ou d'œuvres littéraires. La "tarte à la crème" des "Grandes affaires criminelles" est celle du petit délinquant qui s'en va voler une vieille, l'assassine et dépense son maigre butin en boisson avant de se faire arrêter. Ici, c'est Gilbert Gsegner qui s'y colle en 1943. Malgré son jeune âge, il finira sur l'échafaud. À part son titre boiteux - "Je voudrais une demi-douzaine d'œufs -, le récit est, malgré son pitch sans intérêt, bien mené et intelligent. Il en est de même avec Gustave Bournier dans "La Marmite était l'arme du crime !" (1884), autre titre plan-plan qui, lui, va s'avérer judicieux. Il tue donc à coup de marmite une vieille fille nonagénaire et sa domestique septuagénaire. Il s'enfuit alors qu'il y avait une fortune dispersée sous les matelas et dans les armoires. Gustave Bournier assista à toute l'instruction, se mêlant aux attroupements qui stationnaient devant le "château". Il se fait remarquer par un journaliste qui lui demande d'écrire un article. Ce à quoi il accède par bravade. "Le journaliste parcourut le texte, sincèrement surpris, non par l'orthographe phonétique ou la syntaxe simpliste, cela il s'y attendait. Mais surpris par les nombreux détails dont Bournier avait émaillé son article. Une phrase, en particulier, lui fit lever les sourcils : La marmite était l'arme du crime'. Or c'était là un détail qui n'avait pas été révélé au public. Mieux : le jeudi 5 mars, quand Bournier avait mis le point final à son 'papier', l'arme du crime n'était pas connue des enquêteurs eux-mêmes !" Voilà le genre de détail qui fait tout le sel d'une histoire.
Il est impossible de résumer les vingt-quatre histoires qu'on lit avec un réel plaisir tout en apprenant l'histoire du chemin de fer dans la région, celle des disettes et des famines, celle de l'immigration italienne, des asiles, etc. On apprendra ainsi dans "Meurtre à Lons-le-Saunier by night" (Affaire Alphonse Aréna en 1908, classique bagarre d'ivrognes dans les cafés d'une ville de garnison de treize mille habitants) que "sans même parler des hôtels et des restaurants, il n'y avait alors, à Lons, pas moins de cinquante-sept débits de boissons, vingt-deux cabarets, vingt-trois cafés, un café-concert et onze auberges qui faisaient bal". Quelques affaires sortent néanmoins du lot par leur originalité. "Une marâtre de conte de fées : l'ogresse de la forêt de Chaux" raconte le destin terrible des enfants et beaux-enfants de Françoise Michaud décapitée en 1857. Autre décapitée, Herminie Julliard fait pleurer ses bourreaux en 1858. Quant au chemineau Léon Thabuis, en 1910, il s'occupe de la morgue et de la sépulture à l'hôpital des fous de Saint-Ylie. Pour augmenter sa prime aux morts, il va un peu "aider" les malades à passer de l'autre côté.
Un titre exemplaire.
Citation
Les enterrements n'étaient pas seulement une source de revenus : c'étaient aussi une occasion de sortir de l'asile, et donc d'aller s'enivrer dans les bistrots de Dole.