Rafael, derniers jours

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Roman - Noir

Rafael, derniers jours

Psychologique MAJ vendredi 11 septembre 2009

Note accordée au livre: 5 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 7 €

Gregory McDonald
The Brave - 1991
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-François Merle
Paris : 10-18, septembre 2009
190 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-05059-5
Coll. "Domaine policier", 3791

Le prix d'une vie de chien

Rafael n'a pas d'avenir. Il vit avec sa femme, ses enfants et des comme lui dans un bouge à l'extérieur de la ville où seuls les chauffeurs de bus s'arrêtent histoire de libérer la fange alcoolique du véhicule. Là, quand une personne s'écroule ivre morte avant d'avoir fini sa bouteille, il y a toujours quelqu'un pour prendre le relais. Le Paradis est une décharge où chacun cherche l'objet. Seulement, il s'est transformé en Enfer depuis qu'un garde veille jalousement et avec un fusil dessus.
Rafael sait qu'il n'a aucune autre chance de quitter cet endroit cul-de-sac sordide, véritable offense physique à la plus élémentaire notion d'avenir. Mais il a ce que l'on a de plus cher au monde : la vie. Et cette vie, c'est après une conversation avec un barman qu'il s'est convaincu qu'il pouvait la monnayer. Rafael va être l'acteur principal d'un snuff movie ! Celui vers qui tous les yeux seront braqués, dans l'attente d'une lente et violente agonie orchestrée par deux brutes. Avec tenailles, cassage de dents, de bras, découpage de chair, arrachement d'yeux, pulvérissage de crâne et dépiautement de cervelle. Sa rencontre avec l'Oncle, producteur débonnaire du film, permet l'établissement d'un contrat et le versement d'un acompte de deux cents malheureux dollars, avec lequel Rafael achète denrées et objets superflus à sa famille, leur faisant croire à un métier honorable et à des qualités reconnues, et de passer quelques trop peu de jours de bonheur. Car bien trop tôt, il lui faut honorer sa part du contrat.
Écrit en 1991, adapté en 1997 au cinéma par Johnny Depp sous son titre original, Rafael, derniers jours est un roman atypique qui s'insinue dans notre cerveau, comme Des souris et des hommes, de Steinbeck auquel le roman fait penser. Du moins ceux qui ont lu les deux roman les rapprochent irrémédiablement. Car s'il n'y a aucun doute sur l'agonie ragoutante de Rafael, on reste scotché devant l'innocence d'un homme, Jésus des taudis maudits au chemin de croix jonché de cadavres de bouteilles, et qui va être trahi par son Judas d'Oncle de pacotille - si l'on n'est pas convaincu, que l'on veut croire en l'honnêteté (!) de l'odieux personnage, la photo du contrat en fin de roman achève de nous achever.
Avec ce roman, on se demande tout le long ce qui nous révolte autant. Ou plutôt, non. On sait ! Et c'est ça qui est dérangeant. Rafael n'a, du moins le pense-t-il, aucun avenir, et il est prêt à se sacrifier pour donner une chance certaine à sa famille. Sans même penser que ce sacrifice détruira sa famille. L'idée n'est pas séduisante, mais prise comme telle, elle allie romantisme et héroïsme. Seulement voilà, dès le début on sait. On sait qu'il vend son corps une seule et unique fois non pour trente mille dollars comme convenu, mais pour les deux cents qu'il a laborieusement arraché à cet Oncle producteur de snuff movie. Et du coup on subit. On subit les rêves de Rafael pour sa famille. On l'observe à travers une vitre. On veut lui crier pour qu'il se réveille. Qu'il s'assure au moins avant de mourir que cet argent dû sera bien reversé à sa famille. Mais non, on comprend très vite que Rafael s'il n'est pas Jésus mourra lui deux fois. Physiquement et spirituellement. Et on repose ce livre nauséeux. Gregory McDonald nous en a mis plein le nez.

Citation

Il s'approchera de toi avec les tenailles, et il t'arrachera un ongle. Laisse-les pousser d'ici là, s'il te plait. Tu lui facilitera la tâche.

Rédacteur: Julien Védrenne samedi 22 août 2009
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