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Droit de réponse d'Alexis Aubenque
© D. R.
19 février 2013 -
Suite à notre publication lundi 18 février d'une chronique sur le dernier roman d'Alexis Aubenque, Pour le bien des enfants, par Thomas Bauduret, le romancier français a tenu à user de son droit de réponse pour réagir à certains faits qui lui sont reprochés. Nous ne pouvons lui en tenir rigueur, et sommes par ailleurs heureux de lui donner la parole pour défendre un roman qu'il a écrit et qui lui est cher.
Cher Thomas Bauduret,
Si je me permets ce droit de réponse, c'est que dans votre critique vous écrivez : "Et, bien sûr, la morale à l'américaine est que les enfants adoptés par des familles WASPS deviendront de bons petits et ceux livrés à des pauvres (salauds de pauvres !) ne peuvent que mal tourner."
Primo, la famille de Becky n'est pas une Wasp (ce terme est très péjoratif, définition wikipedia : de nos jours, WASP peut avoir aussi le sens caché de White Race, Anti-Semite, Puritan ("race blanche, antisémite, puritain" et lié au Ku Klux Klan) mais une famille de la classe aisée comme il y a en a des millions aux USA, plutôt démocrate et pas religieuse.
Deusio, la famille d'Oliver n'est absolument pas pauvre, et si Oliver tourne mal, ce n'est pas parce que sa famille est pauvre, mais bien parce que cet enfant est rejeté par son beau-père après le divorce de ses parents adoptifs. Je cite mon livre :
"Adopté par un couple stérile afro-américain, il avait baigné dans une atmosphère d'amour. Du moins jusqu'à ce que son père quitte femme et enfant pour refaire sa vie avec une femme plus jeune que sa mère, sans plus jamais donner de nouvelles, si ce n'est un chèque de pension tous les mois.
Un an passa dans une sorte de morbidité ambiante, quand sa mère fit la rencontre de Tim Bradley.
Au premier abord l'homme semblait le nouveau père idéal, lui apportant des cadeaux, jouant avec lui, n'arrêtant pas de le féliciter pour son esprit vif et curieux. Mais quand il fut définitivement installé chez sa mère, et surtout, quand celle-ci fut enceinte, les choses changèrent radicalement. Non seulement son nouveau père devint de plus en plus distant, mais sa propre mère agit de même. Et quand l'enfant parut, le monde ne se mit à tourner qu'autour de Clarence. 'Le trésor de ma vie', se plaisait à répéter sa mère, sans prêter attention à Oliver qui entendait chacun des mots d'amour adressés à son frère comme autant d'aiguilles enfoncées dans son cœur.
C'est quand il eut dix ans qu'il reçut la première gifle de son père. Il avait seulement renversé une bouteille de lait. Oliver s'en était alors plaint auprès de sa mère, qui, sans aller à le gifler à son tour, l'avait sévèrement grondé et puni..."
Excusez cette longue citation, mais les choses sont très explicites, alors pourquoi dire que c'est parce que la famille d'Oliver est pauvre que ce dernier va devenir un délinquant ?
Surtout que c'est suite à votre très mauvaise lecture de mon texte que vous me prêtez des propos abjectes, je vous rappelle votre phrase : "la morale à l'américaine est que les enfants adoptés par des familles WASPS deviendront de bons petits et ceux livrés à des pauvres (salauds de pauvres !) ne peuvent que mal tourner."
Jamais il n'est écrit, ni sous-entendu une telle chose. Bien au contraire, ce que je dis dans mon livre est très clair, je me cite encore :
"Les enfants n'ont besoin que d'amour, de sincérité et de justice. C'est tout ce qu'ils veulent, et je peux t'assurer que tout enfant ayant baigné dans l'amour deviendra un adulte parfaitement équilibré."
Il n'y aucune référence à l'argent, ni à la couleur de peau, mais simplement à l'amour que l'on porte à son enfant.
Comment pouvez-vous sous-entendre que ma morale est puante ("Salauds de pauvres !"), alors qu'au contraire je dis exactement l'inverse de ce que vous prétendez ?
Et pour en finir avec l'attrait que vous me prêtez pour les WASPS, je citerai encore une phrase de mon livre :
"Sakia maudissait tous les Blancs. Ces hommes qui avaient exploité durant des siècles le sol africain, qui en avaient massacré la faune et la flore, et avaient traité son peuple comme du bétail."
Voilà, sinon je respecte tout le reste de critique même si je ne la partage pas en aucun point, et pour le coup je profite de cette espace, pour expliciter ce que j'ai voulu faire avec ce livre. Ce livre ne parle pas d'un énième pervers sexuel-serial killer mais est une réflexion sur l'adoption, le désir d'enfant et certains de ces travers (la marchandisation du corps de femmes...), et c'est pour cela que l'histoire policière et le suspense sont secondaire en rapport de mes personnages, c'était déjà le cas dans Un Noël à River falls qui traite de l'homophobie, et de Charité Bien ordonnée qui a pour toile de fond le néo-libéralisme à travers le portrait d'une famille d'hyper-riche (et WASP pour le coup) dont les enfants sont à la dérive.
En dernier lieu, pour en finir avec votre sous-entendu de ma préférence pour les WASPS, je tiens à vous rappeler que les trois héros de mon livre ne sont pas blancs, mais d'origine asiatique et africaine.
En vous remerciant de m'avoir permis ce droit de réponse,
Alexis Aubenque
Liens : Alexis Aubenque | Pour le bien des enfants
Par La Rédaction