Le Saloon des derniers mots doux

Delmare aimait ce mélange d'odeur de terre et de gasoil, la confrontation du métal de sa grosse voiture avec le minéral, la gomme de ses larges pneus qui arrache les cailloux et les projette alentour.
Jérôme Sublon - Corps rouge dans le Vercors
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

La Cité sous les cendres
Dix ans ont passé depuis que Danny Ryan et son fils ont dû fuir Providence et la vengeance d'une fami...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

jeudi 21 novembre

Contenu

Roman - Western

Le Saloon des derniers mots doux

Crépusculaire MAJ jeudi 01 octobre 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22,2 €

Larry McMurtry
The Last Kind Words Saloon - 2014
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Laura Derajinski
Paris : Gallmeister, octobre 2015
224 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-35178-099-2
Coll. "Nature Writing"

Héros fatigués

Wyatt Earp et Doc Holliday. Tout a été écrit sur ces deux personnages ou presque. Ce sont des héros fondateurs du mythe du western que l'on retrouve dans ce roman de Larry McMurtry vieux et désenchantés en route pour cette ville de Tombstone, connue pour être l'un des derniers bastions qui résiste encore et toujours aux foudres de la Loi américaine. Larry McMurtry c'est avant tout Lonesome Dove, cette vaste fresque western dans la lignée d'A. B. Guthrie. De l'épique et du romanesque à la pelle ("Toi, tu creuses..."). Ce roman-là est doux-amer et fait cible au contraire de ses deux protagonistes aux pétoires qui ratent leurs cibles quand elles n'explosent pas. Mais il est vrai qu'à leur époque, on avait plus de chance de rater son coup et d'être tué par sa propre arme (j'exagère à peine). Pour en revenir à ces deux hommes, ils trainent leur spleen, leurs angoisses et une enseigne Saloon des derniers mots doux qu'ils souhaitent poser quelque part du côté de leur dernière destination. Pourtant ils n'en échangent guère des mots doux, et quand une femme les demande en mariage, ils vont boire le coup de trop après avoir donné des coups à l'effrontée (Nelly, femme de Wyatt Earp, qui se demande pourquoi elle aime non pas les coups mais celui qui vient de leur donner et le traite aisément de "fils de pute"). Ils sont cependant lyriques et romanesques. Mais le roman de Larry McMurtry ne serait qu'un roman comme les autres s'il n'y trainait pas toute une galerie de personnages. Charles Goodnight, éleveur de bétail, l'un des trois plus importants de la région. Un homme qui parle viande, qui mange viande et qui dort viande. Un gros légume en quelque sorte avec un furoncle sur le cul d'avoir trop chevauché une plaine sans arbre (que faire des voleurs de bétails que l'on ne peut pendre, c'est toute la question au grand dam de se femme Mary qui entend rêve de bâtir une école et d'instruire les enfants de l'Amérique du Kansas). San Saba, la femme énigmatique qui s'offre aux plus fortunés. Une concubine de luxe, échappée des geôles turques et porteuse d'une marque rouge, pour Lord Ernle avant qu'il ne fasse une chute mortelle de cheval dans un ravin sous les yeux de Caddo Jake en plein dépeçage d'un sconse. Et puis les Commanches, derniers des insoumis pourchassés par le général Sherman et le général McKenzie. À leur tête, Satanta, l'Ours rouge, et Satank. Eux se promènent également dans la plaine avec sept de leurs guerriers et sème la mort, d'horribles tortures et de sinistres viols. Enfin Buffalo Bill Cody qui engage un temps nos deux gâchettes pas si fines que ça dans son Wild West Show mais qui finit par les virer car ils n'arrivent pas à conquérir un public avide d'un spectacle désolant. Il incombe de rajouter les éléments, le tonnerre, la pluie, un troupeau en furie qui s'égrène sur le territoire. Et des haltes - Long Grass, Denver, Mobetie et finalement Tombstone -, où les dialogues fusent avant l'ultime rencontre des années plus tard. Les héros sont fatigués. Le mythe est en train de mourir. Wyatt Earp et Doc Holliday ne sont plus que deux clowns tristes décatis que l'on ne respecte plus. L'Amérique a définitivement sombré dans le XXe siècle. Larry McMurtry, quant à lui, nous a dégainé une farce, une fable, un conte d'horreur par son style et son approche. Du bel art de l'Ouest.

Citation

J'aime pas trop les paris dans le coin, dit Doc. La compétition est trop rude. Je joue sans discontinuer depuis deux semaines et j'ai à peine gagné quatre-vingt dollars, et pourtant tu sais à quel oint je peux être féroce à une table de poker.

Rédacteur: Julien Védrenne samedi 19 septembre 2015
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page