La Bête est revenue : été de plomb en Auvergne

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Roman - Policier

La Bête est revenue : été de plomb en Auvergne

Politique - Religieux - Assassinat - Rural MAJ mardi 06 octobre 2015

Note accordée au livre: 2 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 10,9 €

Jérôme Maufras
Gudensberg-Gleichen : Wartberg, mai 2015
202 p. ; 20 x 12 cm
ISBN 978-3-8313-2830-7
Coll. "Zones noires"

Don Camillo contre la bête du Gévaudan

Gabriel Garelli arrive à Mauriac pour y endosser le costume de... prêtre. Évidemment, aujourd'hui, ce genre d'entrée en matière annoncerait presque une incursion dans la SF. Un prêtre ! Mais pour quoi faire ? Eh ben, mais pour dire la messe ! C'est ça, fais-moi rire ! Effectivement. Seulement, il faut vous dire que l'action du roman se situe en 1983. Alors il y a encore du monde qui va dans les églises autrement que pour les... enterrements. Et il faut donc un prêtre. D'où l'arrivée de Gabriel Garelli. Plutôt bel homme, robuste, fonceur, Monsieur le Curé ne l'est devenu qu'après ses vingt ans. En d'autres termes (un peu plus crus), comprenez qu'il a forniqué avec des demoiselles avant de revêtir la soutane. Si je me permets cette petite précision ce n'est pas pour sous-entendre quelques écarts à la Ralph de Bricassart des Oiseaux se cachent pour mourir (mais que devient Richard Chamberlain ? Excusez-moi, j'ai vu ça sur Google et ça m'a beaucoup fait rire), mais pour vous dire que l'abbé Garelli connaît quand même plus la vie que ses confrères nourris au séminaire et que, sans être un curé révolutionnaire, il n'est ni poussiéreux, ni nostalgique de la magnificence cléricale du Moyen Âge. Mais le nœud de l'intrigue n'est pas là. C'est l'été, il fait un soleil de plomb (sensation de chaleur pesante dans un village parfaitement bien rendue et qui fait penser à L'Été meurtrier, roman de Sébastien Japrisot et film de Jean Becker) et la population de Mauriac est très très très tendue. Car cette année, en plus d'accueillir les habituels touristes attirés par les beautés du Cantal, il faut également faire face à l'arrivée de touristes attirés par l'odeur alléchée du sang et du mystère, et au débarquement des journalistes attirés, eux, par le doux parfum du sensationnel ou "Comment passer de la rubrique faits divers à la Une". En effet, deux jeunes femmes blondes ont été agressées. L'œuvre d'un pervers ? Il n'y a pas eu viol. D'un assassin ? Il n'y a pas eu meurtre. Alors l'œuvre de qui ? Les deux victimes parlent d'une créature mi-humaine, mi-animale. Ces aveux, qui dans d'autres circonstances auraient pu leur valoir une cure dans une maison de repos ou carrément un stage en camisole de force, résonnent douloureusement dans les rues de Mauriac. Car exactement vingt ans plus tôt, durant l'été 1963, une série d'agressions sexuelles et meurtrières a troublé la saison estivale. Une mystérieuse bête fut alors désignée comme étant la coupable et, suite à une battue, fut abattue (assonance en "u"). Les habitants parlent du retour de la bête. Garelli, lui, cette bande-annonce pour les adorateurs de Contes et légendes en pays auvergnat, ça ne le convainc pas plus que ça. Il y a forcément autre chose, un truc plus rationnel (oui, c'est un prêtre qui parle). C'est à ce moment-là que le maire (il ne s'appelle pas Peppone mais Bergougnoux) vient se confesser sans cacher son identité au curé et annonce : "La bête c'est moi !" L'abbé Garelli, ne pouvant pas trahir le secret de la confession, se retrouve alors obligé d'enquêter et de trouver des preuves pour confondre le maire en public. Et il doit faire vite. Pour sa conscience, mais aussi pour éviter à une autre jeune femme blonde de devenir la prochaine victime...
L'intrigue de La Bête est revenue ne m'a pas emballé plus que ça. Bien qu'original, ce n'est pas novateur (remember La Loi du silence d'Alfred Hitchcock) et le rythme du récit n'est pas haletant. On ne sent pas l'urgence (alors que c'est une sorte de course contre la montre). Le personnage principal est bien confronté à quelques misères mais on ne le croit pas réellement en danger. On ne frémit pas plus que ça. L'action se déroule tranquillement et ça se lit de la même façon. En fait, c'est trop bien écrit et trop bien maîtrisé. Il n'y a pas de surprise, même les coups de théâtre (car évidemment il y en a) retentissent au bon moment ! Quand on a l'habitude de ce genre de littérature, c'est sans surprise. Ça peut ne pas être un problème, mais dans ce cas il faut que le style soit plus fougueux et surtout plus fou. Là, ça fait copie de premier de la classe. C'est trop sage à mon goût. Il y a, en revanche, deux points forts dans ce roman de Jérôme Maufras dont le premier est le personnage du prêtre. Le lecteur suit le curé de bout en bout. Pas seulement ses actions, mais aussi son ressenti (assonance en "i") et ses sentiments. Nous ne sommes pas face à l'homme d'Église qui ne peut être ébranlé parce qu'il a prêté serment. Non, nous sommes face à un être humain qui a des travers, des bassesses et des pulsions. Garelli, même si je le répète il n'est pas question ici d'un prêtre volage, n'est pas insensible au charme féminin. Il n'apparaît pas comme un surhomme pour qui l'amour de Dieu est la réponse à tout et surtout l'antidote miracle pour ne pas être troublé par une paire de nichons magnifiquement fermes. De même qu'il peut céder à la colère, à la nostalgie, au désarroi ou à la haine, qui sont, paraît-il, des émotions qu'un serviteur du Seigneur peut éviter en touchant simplement sa Bible ou en reluquant un crucifix ! Il n'y a pas de formule magique pour échapper au misérable état du commun des mortels et c'est très agréable. Autre grande réussite : le rendu de l'atmosphère d'un petit village de province avec ses secrets, ses non-dits, ses jalousies, ses croyances, ses cancans, ses souvenirs plus ou moins flous, ses m'as-tu-vu, ses méfiances, ses commerçants, ses cafetiers, ses apéros, ses jeunes cons, sa vielle folle et surtout ses enjeux politiques. Car on a tort de croire qu'une population qui ne se comptabilise pas avec six chiffres ne suscite pas d'intérêt pour ceux qui ambitionnent le pouvoir, même si ce n'est qu'un pouvoir local... Car pour le pouvoir local, certains sont prêts à tout !

Citation

Les agressions qui venaient de se produire étaient pour le maire une fort mauvaise nouvelle. Elles finiraient par donner l'envie aux gendarmes de rouvrir le dossier de l'année 1963. Et ça, Bergougnoux ne pouvait pas se le permettre. Il avait donc décider de mouiller Garelli.

Rédacteur: François Legay mardi 06 octobre 2015
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