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Tout public
Postface de Bertrand Tavernier
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Fabienne Duvigneau
Arles : Actes Sud, juin 2015
220 p. ; 24 x 15 cm
ISBN 978-2-330-05105-1
Coll. "L'Ouest, le vrai"
Aventurier crépusculaire
William Riley Burnett a écrit ce roman western en 1932, au tout début de sa carrière littéraire, et trois ans après Little Caesar, un roman policier adapté au cinéma avec succès par Mervyn LeRoy. Pour en revenir à Saint Johnson, c'est véritablement une œuvre de jeunesse avec une intrigue très resserrée qui va faire les beaux jours de Hollywood. Il s'agit ni plus ni moins de la première version romanesque du fameux Rendez-vous à OK Corral. Pour l'occasion, l'auteur américain a travesti les noms. Tombstone, la célèbre ville du fin fond d'un Arizona sans foi ni loi se nomme Alkali. Les frères Earp s'appellent Johnson (c'est assez commun) et l'aîné Wyatt voit simplement (ou presque) l'inversion s'opérer de deux de ses voyelles pour un Wayt qui n'attend pas. Ajoutons que le fameux clan Clanton s'est mué en clan Northrup et que le personnage de Doc Holliday est dans le roman incarné par un Brant White quelque peu transparent. Saint Johnson est ce personnage qui a décidé d'imposer sa loi dans la bourgade d'Alkali. Il est aidé en cela par quelques notables plutôt pleutres dans l'âme et est épaulé par un shérif politicien qui n'attend qu'un écart de sa part pour l'éliminer de la concurrence. Car Saint Johnson rêve de devenir shérif à la place du shérif. Son objectif avoué : faire régner l'ordre. Son objectif inavouable : réduire à néant le clan Northrup et surtout réduire à néant le pouvoir des mineurs et des éleveurs. Pour se faire, il va interdire le port d'armes en ville et multiplier les arrestations et les amendes grâce à l'aide d'un juge inflexible. Malheureusement, Saint Johnson doit composer avec ses frères et surtout avec Jim, le benjamin de la fratrie, tête brûlée admirateur de l'aîné. Dans un accès de mauvaise humeur, Jim va croiser les mauvais hommes au mauvais moment et va être embarqué dans l'attaque meurtrière d'une diligence. Jim devient ainsi la faiblesse dans tous les sens du terme de Wayt Johnson. Celui qui va sans cesse le ramener sur terre et qui va bien malgré lui l'empêcher d'accomplir ses rêves de grandeur. La suite appartient à la légende tragique avec la montée inexorable de la violence dans une ville assujettie aux lâchetés de ses habitants et aux manœuvres politico-politiques. Les frères Johnson vont se retrouver esseulés dans leur saloon du Golden Girl. Les ruelles seront plus sombres et bien moins sures la nuit. Et l'accident va survenir avant une déferlante meurtrière. La fin du roman met en avant le crépuscule des aventuriers qui doivent se prosterner avec déshonneur devant les artifices des politiques (qui ont toujours le dernier mot sauf face aux financiers, bien entendu). Le roman de William Riley Burnett est essentiellement en dialogues et en action. Il se lit d'une traite. C'est une véritable curiosité littéraire qui met en avant les qualités de scénariste d'un auteur en devenir en même temps qu'une étude psychologique de l'humain.
Citation
Wayt s'approcha à deux mètres de Poe et s'arrêta. Les hommes se ruèrent dehors par les portes du Golden Girl et du Transcontinental, des fenêtres s'ouvrirent le long de la rue, et un silence de mort tomba sur la ville. C'était ce que tout le monde attendait.