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Les Claeys du secret
Le 3 février 1992 paraissait sur le petit écran Le Monde de Jean-Claude Claeys, un documentaire de dix-huit minutes, intimiste, et tout dans le style de l'illustrateur et dessinateur, réalisé par Jean-François Jung. D'ailleurs, les premières secondes sont en noir et blanc avant, qu'à l'instar de la progression du travail de l'illustrateur, du rouge vienne s'incruster dans le décor sur fond de vieille pompe à essence. L'angle pris est bel et bien de s'oublier derrière un illustrateur qui pratique l'art de l'autoportrait déguisé et anonyme tout en se focalisant uniquement sur le travail, la technique. Après des bandes dessinées comme Magnum Song, Jean-Claude Claeys s'est spécialisé et a acquis une renommée certaine auprès des collectionneurs fétichistes des "Miroirs obscurs" de chez NéO. Sous les yeux de Jean-François Jung, l'homme révèle quelques uns de ses talents et surtout de ses secrets d'artiste. Il plonge dans sa collection de photos insolites. Il faut dire que Jean-Claude Claeys dessine selon des modèles qu'il a pris en photo ou qu'il a débusqué dans des revues de photos ou des beaux livres. Il dit avoir beaucoup été inspiré par le Psychose d'Alfred Hitchcock, notamment parce que marqué par les plans du tableau de bord de la voiture d'une Janet Leigh en fuite sous une pluie battante. La pluie, parlons-en. Il est très marqué par la pluie. Aussi bien celle qui rend sinistres les devantures des usines désaffectées que pourtant il affectionne, que celle qui sert de raison d'être au trenchcoat, héritage des Tommies, qu'il aime à dessiner et à en révéler les détails. L'homme est pointilleux et son style quasiment pointilliste. Adepte des ambiances noires à la folie débordante, c'est aussi un encyclopédiste de la lingerie fine et des postures canailles. Bien sûr, celui qui décline à outrance l'autoportrait (tout en parlant presque paradoxalement de contagion de l'incognito) fait appel à des sujets féminins à qui il demande des poses qu'il immortalise à l'appareil photo avant de se pencher sur sa table de dessin. Pendant ce temps, la musique choisie épouse parfaitement son univers et ses propos explicatifs sur l'extériorisation, voire l'exorcisation de ses terreurs personnelles et phobies avec l'alcool en filigrane et en surplomb l'ombre omniprésente de Joseph Christian Leyendecker, pour qui il voue un respect sans faille, et qui l'a inspiré dans le soin qu'il apporte aux dessins vestimentaires. On quitte ce documentaire presque sur sa faim tant il nous parait bien trop court (et malheureusement indisponible semble-t-il sur le site de l'Ina). Il nous reste alors des couvertures de la collection "Miroir obscur", qui avait été jusque-là entièrement absentes du propos, qui défilent telle une prestigieuse bibliographie d'Howard Fast à Pierre Siniac.
Le Monde de Jean-Claude Claeys (18 min.) : réalisé par Jean-François Jung avec Jean-Claude Claeys.
Illustration intérieure
Jean-Claude Claeys figurant l'homme à l'orange, présent dans le documentaire.
Citation
Retiré aujourd'hui dans le Sud, Claeys y vit en tricotant en vase clos son monde mental. Dans son ermitage, ce metteur en scène de l'image fixe recrée en chambre l'univers noir du thriller américain, reconstitue son Paris, réinvente son New York.