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Tous les démons sont ici
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Sophie Aslanides
Paris : Gallmeister, janvier 2015
320 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-35178-084-8
Coll. "Noire"
Environnement dantesque
Septième des douze romans prévus consacrés au shérif Walt Longmire du comté fictif d'Absaroka, Tous les démons sont ici est assurément l'un des meilleurs. Non pas tant grâce à son intrigue somme toute classique mais très bien traitée, que grâce à son atmosphère et à cette plume aisée à décrire ce grand froid omniprésent alors que Craig Johnson nous emmène sur l'un des plus hauts sommets des Bighorn Mountains, à la poursuite effrénée de Raynaud Shade, un tueur psychopathe, sociopathe et forcément manipulateur aux motivations étranges.
Et pourtant, tout commence sur un rythme lent où l'on ne peut percevoir le drame. Un transfert de prisonniers avec plus qu'il n'en faut d'hommes pour les convoyer. Au croisement de trois comtés, c'est bien trois shérifs qui sont concernés et également un nombre impressionnant d'hommes et de femmes en noir, autant d'agents du FBI. Malheureusement, la tempête est annoncée. Il pleut, il gèle, c'est la fête aux engelures. Sa mission accomplie, Walt Longmire se prépare à rentrer chez lui, mais après une halte restauratrice, un doute le ronge. Et quand il revient sur le lieu de l'échange, c'est une terre de désolation qu'il découvre avec un seul agent fédéral rescapé mais à l'agonie, et la preuve que Raynaud Shade est parti non sans avoir pris deux otages avec lui. La course-poursuite peut se lancer. L'intrigue est plaisante et les motivations de Raynaud Shade sont limpides sauf pour un Walt Longmire dont l'esprit est embrumé par le climat glacial qui règne sur les lieux. Indien Crow d'adoption, l'homme (ou plutôt comme il sera surnommé par sa victime le presque-homme) a enlevé et tué un enfant indien, puis il a caché son corps sous un énorme monolithe. Seulement, depuis ce temps des voix le hantent. Alors, la seule solution qui s'impose est de donner une sépulture décente à cet enfant pour enfin espérer retrouver une paix de l'esprit à défaut d'une âme en paix. Donc Renaud Shade a prévenu ses geôliers qu'il pouvait les conduire à un corps (ce qui explique la présence du FBI et les cachoteries qui s'ensuivent). Dans le même temps il a ourdi un plan machiavélique avec des complices qu'il rameute et d'autres qu'il achète. Pour Walt Longmire, la poursuite est alors ponctuée de rencontres qui sont des occasions de croiser des alliés de circonstance ou des ennemis prêts à tout pour s'en sortir. Petit à petit, la troupe de Raynaud Shade s'amenuise.
Tout ceci est habilement ficelé. Et, répétons-le, ce n'est que du classique. Mais là où Craig Johnson surprend c'est qu'il arrive à mêler ethnologie, naturalisme, lyrisme et mysticisme dans un même récit tout en tendant, mais cela semble normal, vers le roman noir gothique. Pour parfaire sa recette, il intègre au roman "L'Enfer" de la Divine comédie de Dante. L'ouvrage est omniprésent aussi bien dans son enveloppe physique (il est trimballé de poche en poche et de personnage en personnage, il se peut même qu'il ait eu une incidence sur la survie de l'un des protagonistes, mais rien n'est moins sûr), que dans son contenu (il est lu et expliqué). Et puis, l'un des personnages du roman nous concernant, déjà apparu précédemment, se prénomme Virgil, ce qui tend à convaincre que la présence de cet "Enfer" est tout sauf fortuite ! Les dernières pages sont romanesques et étranges. L'auteur prend un malin plaisir à faire susciter le doute chez son lecteur. On a du mal à percevoir la réalité des faits. L'atmosphère vire à l'onirisme alors même que Walt Longmire est en proie à un chasseur, des doutes, des visions, un incendie, des chutes terribles de neige, à la traversée d'un lac gelé sur un drame d'un siècle... La liste est longue mais ne manque pas de piquant. Bien sûr, Walt Longmire aura le dernier mot. Bien sûr, il ne va surtout pas mourir. Mais c'est ainsi : on a craint pour sa santé mentale et physique, et pour son intégrité. Seul l'épilogue traine en longueur. Mais Craig Johnson est de retour après deux volets précédents de moindre facture. Et ça, c'est une bien bonne nouvelle !
Citation
J'ai entendu dire que les Esquimaux ont des centaines de noms pour désigner la neige ; les habitants du Wyoming en ont autant pour parler du vent - et peu d'entre eux sont bienveillants.