Contenu
Micmac moche au Boul'Mich
Grand format
Inédit
Tout public
Nicolas Barral (coloriste)
Philippe de la Fuente (coloriste)
Paris : Casterman, octobre 2015
96 p. ; illustrations en couleur ; 31 x 23 cm
ISBN 978-2-203-08767-5
Suicide mode d'emploi
Le travail de Nicolas Barral est un travail ingrat. Son adaptation en bande dessinée de Micmac moche au Boul'Mich, le roman de Léo Malet, s'inspire en effet du personnage dessiné par Jacques Tardi dont c'est ici la neuvième aventure illustrée. Si ce n'est pas une mise en abime de l'adaptation, on se demande ce que c'est. La réponse est pourtant simple : une virée étincelante entre le Ve et le VIe arrondissement de Paris, de la rue Broca au boulevard Saint-Michel en passant pour les rues Mouffetard et Contrescarpe. La trame minimaliste permet à la fois à l'enquête de progresser et au dessinateur de mettre en images quelques uns des sujets tendancieux présents dans le roman - amours clandestines entre une femme blanche et un Noir, racisme et avortement.
Tout débute avec le suicide par balle de Paul Leverrier, fils d'un gynécologue, dans sa 2CV citron. Suicide qui n'est pas remis en cause par l'inspecteur Masoultre du 36, quai des Orfèvres. Mais le suicidé avait une petite amie qui ne veut pas croire à cette mort aussi soudaine que surprenante. Pour Jacqueline Carrier, il y a eu crime. Nestor Burma a bon cœur alors que sa secrétaire, la belle Hélène (qui est tout sauf une poire dans cette histoire) est grippée (comme la cervelle du détective de chic et de choc), et il enquête le temps que l'infortunée demoiselle en détresse se fasse une raison tout en continuant de s'effeuiller au cabaret Colin des Cayeux. La suite est digne des "Mystères de Paris", la série de Léo Malet, avec son lot de rencontres, de cadavres et de coups sur l'occiput avec son enquête en marge de celle de la police. Nestor Burma va croiser un Antillais, un maître-chanteur, des étudiants (surtout en médecine), le commissaire Florimond Farroux, une maîtresse et quelques concierges qui dorment ou pas. Cette dernière aventure officielle est aussi celle des souvenirs. Nestor Burma va surtout apprendre que la mère de Paul est morte de la typhoïde. L'indice-clé de l'enquête est un exemplaire des Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire, qui va se retrouver plein de piquant (ou de piqures, allez savoir). Associé au cabaret, le recueil de poésie fait écho à la vie de bohème de l'auteur quand il déclamait des vers et sa vache enragée à l'Ymayge Nostre-Dame.
Nicolas Barral vante, lui, Pierre Mac Orlan et ses chansons dans une bande dessinée sobre, graphique, sombre et enneigée tout en s'affranchissant des dessins typiques de Jacques Tardi et en réussissant le pari de leur rendre hommage. Ses découpages donnent du rythme. Un rythme que l'on retrouve dans des cases où l'action côtoie la réflexion. Les dialogues sont finement ciselés et mettent en avant un Léo Malet avide du rythme des mots, adepte des envolées lyriques et surtout des images cyniques. Le langage est tout bonnement jouissif et ludique. Le tout alors que le détective pompe sans relâche sa pipe en forme de tête de taureau. C'est simple, efficace et captivant à la fois.
Citation
Un jeune homme avait été retrouvé mort quai Saint-Bernard. Il s'agissait de Paul Leverrier, vingt ans, fils d'un toubib du Boul'Mich et futur toubib lui-même s'il ne lui était pas venu à l'idée de se balancer un coup de pétard en plein pêche.