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La Cour des secrets
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Irlande) par François Thibaux
Paris : Calmann-Lévy, mai 2015
522 p. ; 23 x 15 cm
ISBN 978-2-7021-5723-7
Huit clos
Ce nouveau roman de Tana French se déroule comme une sorte de huis-clos où Columbo lutterait contre de jeunes lycéennes. En effet, dans les jardins d'un internat de jeunes filles huppées de Dublin forcément en fleurs, le corps sans vie de Chris Harper, un garçon de seize ans, est découvert. Le crime reste impuni et, quelques mois plus tard, sur le panneau d'affichage du lycée, apparaît un étrange message assorti de la photo de la victime : "Je sais qui l'a tué." Très vite, les deux inspecteurs chargés de l'enquête - Stephen Moran déjà à l'œuvre dans Les Lieux infidèles et Antoinette Conway - resserrent leurs filets sur huit filles qui peuvent être à l'origine de ce message. Mais il ne s'agit pas de huit étudiantes comme d'autres. Elles forment deux groupes très distincts, deux groupes qui se détestent. Dans l'un des groupes, l'une des filles était amoureuse de Chris Harper, mais toutes étaient jalouses de sa chance. Du coup, le roman de Tana French se construit en deux parties qui alternent régulièrement : l'une est la suite des entretiens entre chacune des suspectes, et l'autre partie est un long flashback qui retrace la "guéguerre" des deux clans et les événements qui ont amené au meurtre.
Par-delà cette structure classique, mais bien menée, qui permet de développer une description acide à la fois de l'adolescence et du système privé britannique (avec des moments particuliers et que ceux qui ont vécu dans les îles connaissent : les internats sont dorés, mais on laisse les élèves sortir et zoner sur des pelouses autour des centres commerciaux, buvant plus que de raison), c'est aussi le portrait des deux policiers qui attire l'attention. Antoinette Conway est une femme qui a mené la première enquête sans succès et qui s'appuie sur une jeune recrue, qui entend faire ses preuves, afin de faire émerger des discussions les éléments de vérité nécessaires. Face à eux, nous suivons les angoisses des adolescents, loin des émois d'Harry Potter, mais décrits de manière très réaliste avec ce besoin d'autonomie, d'être très différents les uns des autres, mais où chaque marque d'excentricité est l'objet de remarques négatives du groupe. Tout tourne autour de la sexualité, une sexualité qui pourrait émanciper et aider à grandir, à s'opposer aux adultes, mais est en même temps l'objet de fantasmes, de doutes, de rancœurs. Le roman évoque sans cesse des SMS malsains, des photos obscènes, des ragots colportés. Une soirée est l'occasion d'un bal entre l'internat des filles et de celui, voisin des garçons : c'est la description entre deux flirts bien innocents, de montrer des bouteilles d'alcool cachées partout, des surveillants courant en tous sens pour protéger des vertus, des angoisses sur la robe qui ne fera pas assez sexy sans donner une seule seconde l'impression d'être une marie-couche-toi-là. On saisit mieux la perplexité des policiers qui doivent jongler avec un univers si particulier, aux codes si complexes, où dénoncer quelqu'un c'est assurer sa mort sociale, où chaque acceptation est considérée comme une reddition devant l'ennemi adulte. La Cour des secrets est ainsi un roman d'atmosphère très statique, très ancré sur la psychologie de ses personnages, où les actions et les mouvements sont principalement les émois adolescents...
Citation
Le Court. Le plus vaste, le meilleur centre commercial des environs. Mirage grandiose, aimant géant qui attire et fascine. Les élèves de Sainte-Kilda et de Saint-Colm peuvent s'y rendre à pied, s'y côtoyer loin du regard inquisiteur des adultes.