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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Muriel Levet
Paris : Belfond, octobre 2015
442 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7144-5768-4
Coll. "Noir"
Venin discret de la bourgeoisie
Ce nouveau roman de Rachel Abbott se situe dans la longue tradition venimeuse du roman anglais avec Little Melham, sa petite communauté villageoise (ici, elle est constituée principalement par des gens qui ont plus ou moins réussi dans la vie et sont venus vivre dans cette campagne un peu faussée, à proximité d'une bretelle d'autoroute pour pouvoir travailler dans une vraie ville), ses rumeurs, ses scandales et ses coucheries. S'y ajoutent évidemment plusieurs histoires anciennes - un violeur, un père qui a mystérieusement disparu, des morts dans les placards. À un moment donné de l'intrigue, on s'aperçoit qu'une jeune fille de quatorze ans a été trompée. Elle croyait converser avec une nouvelle amie de son âge, sans savoir réellement qui se cachait derrière son profil Facebook. Mais ce n'est pas là que l'aspect plus contemporain d'un problème très ancien. Après tout, lorsqu'il voulait manger le petit chaperon rouge, le loup se cachait derrière la figure de sa douce de mère-grand !
De fait, tous les protagonistes de cette histoire ont des choses à se reprocher ou à cacher : un passé difficile, un amant qui s'accroche, des problèmes d'argent, une violence conjugale larvée. Personne n'échappe à ce jeu de massacre, même pas les enfants. Soit ils sont victimes des actions des coupables, soit les parents s'empressent de les emmener dans une autre pièce dès qu'un conflit peut éclater. Au départ, c'est la découverte d'Abby, une jeune fille au bord la route qui fuyait on ne sait quoi au milieu de la nuit lorsqu'elle a été renversée par une voiture et laissée pour morte par son conducteur. Elle se retrouve dans le coma et chacun s'interroge. Tom, un ancien flic, essaie de découvrir la vérité, mais tout reste feutré et mou car chacun est tellement pris dans ses mensonges, dans les faux-semblants, qu'il devient impossible de démêler le vrai du faux. Au mitan de cette histoire étouffée et étouffante, toute cette hypocrisie sociale et mondaine éclate lors d'une pendaison de crémaillère. L'ensemble des intervenants se retrouvent autour d'un verre - certains en instance de divorce arrivant avec leur nouvelle compagne et saluant l'ancienne -, chacun tentant de faire semblant, de rester dans le feutré. Du coup, les rares passages de violence (entre époux, au sein de la famille, ou de la part du kidnappeur de la jeune fille qui veut faire taire les témoins) apparaissent comme encore plus sauvages.
Servi par une écriture qui sait ménager le suspense, qui sait décrire en cachant les éléments nécessaires pour faire fonctionner son intrigue, qui parvient à mettre en avant et avec soin l'hypocrisie sociale, Le Piège du silence se positionne bien dans la lignée anglaise où l'auteur, en l'occurrence Rachel Abbott, se veut un entomologiste cruel de la société et des tares humaines.
Citation
La quiétude durement acquise s'était subitement dissoute, et la terreur avait repris le dessus. Et si Max venait à l'apprendre ? Jamais, il ne lui pardonnerait. Mais elle ne devait pas penser à ça, rien n'était encore perdu.