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Le Fil rouge
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'italien par Anaïs Bokobza
Paris : Denoël, novembre 2015
368 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-207-11890-0
Coll. "Sueurs froides"
Au cœur sombre de l'homme
À un moment du nouveau roman de Paola Barbato, Le Fil rouge, Antonio Lavezzi, le personnage central de cette histoire rencontre un chien dressé pour tuer. Nous suivons les deux êtres en des monologues intérieurs. Tandis que l'homme fait des gestes et exprime ses émotions pour tenter d'amadouer l'animal et de s'en faire un ami, l'animal comprend qu'il se soumet à lui et qu'il va enfin devenir chef de meute. Deux des thèmes du roman se dévoilent alors : incompréhension et résurgence de notre part sauvage, de notre bestialité.
En effet, le parcours d'Antonio Lavezzi n'est pas des plus communs. Cet ingénieur, maître d'œuvre sur des chantiers, est avant tout un être désespéré et anéanti. Michela, sa fille de treize ans a été violée et assassinée, et lui-même assommé par le tueur. Depuis, sa femme l'a quitté et il traîne son ennui dans une vie de routine. Son patron et ami l'invite tous les dimanches afin de lui trouver une nouvelle petite amie. Antonio Lavezzi s'y rend mais sait déjà que c'est en vain. Jusqu'au jour où il reçoit un message mystérieux et où le cadavre d'un tueur est retrouvé dans les gravats d'un chantier dont il assure le suivi... Peu à peu, la routine d'Antonio Lavezzi devient une vie palpitante, digne de celle d'un agent secret. Il découvre qu'il a été engagé pour fomenter des meurtres parfaits. Dans un système régit par la peine de mort, différents protagonistes font chacun un geste qui ne signifie rien de précis mais qui assemblés aux autres permettent à la peine de s'exercer et ainsi de tuer le condamné. C'est pareil avec les plans machiavéliques de l'Assassin :: Antonio Lavezzi doit tout d'abord renverser un adolescent. Celui-ci, blessé, aura un alibi parfait pendant que quelqu'un d'autre tuera sa mère. Parfois, les plans s'avèreront encore plus compliqués mus en chefs d'œuvre d'ingéniosité. Le protagoniste se rend bien entendu compte qu'il y a derrière tout cela un plan qui révèle notre part de vengeance. Chacun endosse un crime pour aider la famille d'une victime à se venger d'un criminel qui a échappé à la police. Mais il se débat entre sa volonté de faire rendre gorge à l'assassin de sa fille et son honnêteté.
À mains nues, le premier roman traduit en français de Paola Barbato, révélait un style et une description aiguisée des mécanismes étranges que peut prendre la pensée et les motivations humaines. Servie par un style qui sait rester sur la ligne étroite entre complaisance et distance, l'auteur italienne parvient à nous placer dans les pensées d'un bourreau et d'une victime, dans celles de l'assassin comme dans celles d'un honnête individu. C'est une écriture sèche qui parvient à nous décrire un crime horrible sans jamais juger, ni même nous faire "participer" en voyeur. À cet égard, l'un des personnages du Fil rouge est un pédophile qui oscille sans cesse entre sa perversion et les larmes de remords de ne pouvoir pas agir contre sa nature. Car, à l'instar du chien du roman décrit plus haut, entraîné pour tuer, Le Fil rouge montre combien nous sommes poussés par nos passions, par nos désirs animaux, par notre soif de vengeance que nous cachons sous le nom de justice, combien les frontières sont étroites entre la moralité et la violence. Antonio Lavezzi, au centre de l'intrigue, est un être humain qui tente de faire la part des choses et de vivre sans sombrer, y compris dans un final où Paola Barbato nous confirme en deux romans seulement la part particulière et intéressante quelle occupe dans le roman noir.
Citation
Il n'arrivait pas à être bouleversé. Il pensait seulement à comment remplir les douze heures à venir. Ce n'était probablement pas une réaction chrétienne, mais cela n'avait pas de valeur en soi. L'important, c'était de se comporter conformément aux attentes des gens.