Sur les traces des serial killers : à chaque époque son tueur

À trop vouloir t'approcher de la mort, voilà qu'elle s'est acoquinée. Elle va tellement te coller aux basques que tu vas plus pouvoir t'en dépêtrer. Il recula d'un pas, et jeta le couteau par la fenêtre. D'un geste vif, et sans viser. Lâcher du lest, comme d'une montgolfière, le soulageait. Il emprunta les escaliers, pour rejoindre le sommet du bâtiment. Il voulait se perdre dans le dédale de béton, de fer et de sueur. Il voulait se perdre, et ne plus se retrouver.
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Beau livre - Policier

Sur les traces des serial killers : à chaque époque son tueur

Historique - Tueur en série MAJ mardi 02 février 2016

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 29,9 €

Fabrice d'Almeida & Marjorie Philibert
Paris : La Martinière, octobre 2015
212 p. ; illustrations en couleur ; 26 x 20 cm
ISBN 978-2-7324-6543-2

La série qui tue

Dans la masse monstrueuse des titres consacrés au sujet des tueurs en série, cet ouvrage documenté entend replacer, pour la première fois, le serial killer dans sa société. Ainsi, chaque guerre et après-guerre, engendreraient des serial killers, ce qui revient à dire que c'est tout le temps. L'espace, les déplacements, les luttes entre polices, la faiblesse de l'État, la mise à l'écart des plus pauvres et des plus faibles constitueraient aussi des déclencheurs. On s'en doutait. Le serial killer serait né en 1888 avec Jack l'Éventreur qui, le premier, s'inscrivit dans un protocole précis de signature en contactant, de plus, la presse. La presse ! Voilà la grande pourvoyeuse de serial killers. Avec les progrès de l'imprimerie, dès la fin du XIXe, les feuilles de choux s'emparèrent du fait divers pour faire monter la sauce. Mais une autre évolution est à prendre en considération : la médecine légale et la psychiatrie vont propulser les experts au centre de l'enquête. Science, presse et police sont donc étroitement liées à la définition du serial killer. Et à son évolution ? Comment expliquer qu'il n'y ait eu que treize serial killers dans le monde en 1900 (d'après les statistiques en fin de livre) et deux cent soixante-neuf en 1990 ? Et qu'entre 2000 et 2010, le taux soit passé de deux cent vingt-neuf à cinquante-trois ? Les serial killers abandonneraient-ils leur projet face aux dangers de l'ADN et de la localisation des portables ?
Dans ce livre, il manque certainement un chapitre sur le terme même de serial killer. Pourquoi l'empoisonneuse Nannie Doss et non la Marquise de Brinvilliers ou Hélène Jegado ? La première serait une serial killeuse parce que née après Jack l'Éventreur et profilée par le FBI ? On aurait aimé plus de clarification sur la pertinence de ce terme à la mode et très vendeur sinon on finira par croire que, après le Coca Cola et le Pop Art, le serial killer est un autre véhicule américain pour conquérir le monde.
Fabrice d'Almeida et Marjorie Philibert, les deux auteurs, proposent un parcours très chapitré avec de grandes reproductions de documents. "Ce livre suit pas à pas l'histoire des assassins, et sollicite le puissant imaginaire qui en émane. Car, aujourd'hui le crime et son image forment un tout" préviennent ainsi les auteurs dans leur excellente préface. "Ce parcours sur environ un siècle et demi propose un simple constat : les serial killers sont les révélateurs de l'état de leur époque et de leur société. Leur manière d'être et les poursuites engagées, ou non, à leur encontre en disent long sur les mœurs, la violence, les émotions et l'histoire des techniques."
Chaque chapitre ("Les Séquelles de la Grande Guerre", "Le Monde soviétique cannibale", "La Mondialisation des tueurs", etc.) est introduit par un texte bien documenté imprimé sur fond rouge. Il y aussi des articles thématiques sur les nouvelles techniques de la police scientifique, les détectives privés, la vogue des torture porn, les couples assassins, les groupies de serial killers... De clairs schémas chronologiques sont insérés pour chaque fiche d'assassin avec, pour chaque victime, une mini icône du visage souriant d'une jeune fille, toujours la même, quel que soit le sexe ou l'âge des martyrs. Ce qui donne le vertige quand il y en trois cents imprimées pour le Colombien Luis Garavito qui aurait violé et massacré cent quarante-sept à quatre cents enfants âgés de six à seize ans, entre 1992 et 1999.
Ce livre pour grand public s'attache cependant à des assassins déjà abondamment traités comme Landru ou Petiot qui, certes, sont emblématiques pour leurs crimes inscrits dans leur époque, mais n'en constituent pas moins une évidence connue depuis longtemps. Il en est de même pour Joseph Vacher, Ted Bundy (le profil type pour les auteurs), Jack l'Éventreur, le Dr Holmes, Michel Fourniret ou Guy Georges. Il y a plus de découvertes au niveau de l'Asie, de l'Amérique du Sud et des pays de l'Est. Les auteurs mettent en avant la politique du silence pour la Chine et la Russie, et l'incurie de la police, face à des prédateurs qui ne sont même pas concevables par ces régimes. Les auteurs nous livrent aussi d'intéressantes statistiques sur le QI des serial killers (presque tous ont un QI moyen), le nombre de meurtres (plus le QI monte, plus il y en a), le choix des armes (le plus intelligent se sert d'une bombe, le plus bête du poison). Presque la moitié tue pour le plaisir et le pouvoir, tandis qu'un tiers vise le gain. 0,41 % seulement seraient dans le délire hallucinatoire.
En conclusion, voilà un ouvrage souple, clair, bien illustré et bien conçu. Son ambitieux projet d'inscrire le serial killer dans sa société est toutefois freiné par la rapidité et la multiplicité des articles. Sans aucun doute la rançon pour toucher un large public.

Citation

C'est le tabou des services de police du monde entier. Admettre que des tueurs en série sont en activité sur leur territoire.

Rédacteur: Michel Amelin mardi 02 février 2016
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