Contenu
Jack l'Éventreur démasqué
Grand format
Inédit
Tout public
Préface d'Emmanuel Pierrat
Traduit de l'anglais par Daniel Lemoine
Paris : Archipel, janvier 2016
300 p. ; 25 x 16 cm
ISBN 978-2-8098-1759-1
Couvre-moi les épaules, chéri
Ce livre est précédé par l'explosion qu'il fit lors de sa sortie en Angleterre en 2014 et dont toute la presse, y compris française, se fit l'écho. Le pitch est incroyable : l'auteur narrateur, promoteur de maisons de retraite, passionné par Jack l'Éventreur, fait l'acquisition, après une vente aux enchères, d'un châle sensé avoir été pris sur le cadavre de Catherine Eddowes, quatrième des cinq victimes reconnues de la série qui ensanglanta le sinistre quartier londonien de Whitechapel en 1888. Il mène l'enquête sur l'origine et l'état du châle s'attachant les services d'experts en extraction d'ADN. Succès n° 1 : Catherine Eddowes portait bien ce châle lors du crime. Succès n° 2 : des traces de sperme conduisent à l'incroyable découverte de l'identité de Jack l'Éventreur !
L'histoire est déjà abondamment commentée sur Internet. Russell Edwards y apparaît aussi volontiers. Il n'est pas avare d'interviews et de conférences. Si bien que ce livre dont toutes les découvertes ont été diffusées d'une façon plus journalistique et efficace apparaît plutôt comme un produit dérivé mal fait. Rien n'a été pensé pour lui donner un statut de document. Et Russell Edwards, confiant en sa seule communication, en est le premier responsable, l'éditeur n'étant qu'un marchand.
Le contenant : la couverture dessert le propos. On a vu un million de fois ce type de montage avec silhouette et photo de façade de pub. La couverture originale de Naming Jack the Ripper est tout aussi malvenue avec sa silhouette masculine de dos avec le bras, manche retroussée, couvert d'éclaboussures de sang. En raison de l'importance de l'indice, c'était le châle qui devait être mis en vedette et ce n'est pas la petite vignette minable au dos du livre qui rattrape le coup. Choisir une telle couverture banalise les découvertes et le processus de recherches en noyant ce nouveau titre dans l'océan de ses semblables. Sa crédibilité en est affectée.
Le contenu : Russell Edwards fait de son mieux mais son style est pauvre avec ses remarques personnelles, ses pavés de descriptions historiques et de détails scientifiques. Rien n'est bien construit : voilà des enfilades de situations inintéressantes alors que le suspense devrait être à son comble. Et pourquoi retracer aussi longuement l'emploi du temps des victimes ? Tout ceci a été écrit mille fois. Il fallait se focaliser uniquement sur Catherine Eddowes pour le passé et, pour le présent, sur des dialogues avec les experts, les descendants et les fonctionnaires.
Dans ce sabotage en règle émerge donc un élément sidérant : le châle ! Même si la scène de la vente aux enchères est bâclée ainsi que l'achat qui suit, les recherches de Russell Edwards sur la provenance de l'objet sont passionnantes. L'ex-propriétaire le tient d'un aïeul, policier en surveillance pour une autre affaire lors de la nuit fatidique. La chronologie qui en découle jusqu'à nos jours est ponctuée d'examens diffus qui ne conduisent à aucune certitude même si le châle fut exposé un temps dans le musée du crime de Scotland Yard. Relique douteuse ? D'expert en expert, Russell Edwards remonte le fil de sa fabrication avec ses motifs floraux typiques et ses teintures naturelles. Et il arrive à une conclusion stupéfiante : la misérable prostituée Catherine Eddowes qui mettait ses bottines au clou pour se payer un lit pouilleux dans un asile de nuit ne pouvait pas posséder ce luxueux châle. Alors ? Alors ce serait Jack l'Éventreur qui l'aurait disposé...
Parallèlement, l'autre pan de la recherche concerne les prélèvements sur les taches de sang et de sperme. Mais là, l'auteur ne peut qu'être un (mauvais) vulgarisateur face au niveau de la technologie des examens. Quant à la recherche des descendants actuels de la victime et de l'assassin, elle aurait mérité plus de développement haletant.
En conclusion, nous tenons entre les mains une bombe qui fait pschitt. Quel dommage que l'éditeur n'ait pas adjoint à l'auteur un professionnel du suspense, ou de l'histoire, ou de la médecine légale, bref un professionnel de quelque chose. Cette histoire en valait la peine. Mais peut-être que Russell Edwards, dans sa grande victoire narcissique, jugeait-il qu'il n'en avait pas besoin.
Citation
Je n'ai pas une formation de chercheur, même si j'ai beaucoup appris au fil des années, mais j'entendis bientôt parler d'un livre donnant l'arbre généalogique des victimes de l'Éventreur. Il était épuisé et j'appris qu'il n'existait que deux endroits où on pouvait le consulter.