Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
244 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-07-014876-9
Coll. "Série noire"
Interpénétrations noires
On a pris l'habitude en France de séparer entièrement la ville qui serait le lieu de tous les dangers criminels et une campagne où la gendarmerie s'occuperait surtout de voleurs de poules, de quelques violeurs, et d'assassins pressés de toucher leur héritage. Pourtant, avec les progrès techniques de ce dernier demi-siècle, les deux univers s'interpénètrent plus profondément qu'il n'y parait. D'ailleurs, le final de ce premier roman de Benoît Minville sera la rencontre, assez surréaliste, entre le gang du village et celui venu des quartiers de la ville. Le tout sous l'œil d'un gendarme local qui essaie tant bien que mal d'aider à la résistance de cette campagne qu'il aime tant face aux incursions de la ville, comme une version retournée des temps médiévaux où l'on se protégeait dans les villes des hordes qui sillonnaient les étendues herbeuses. L'ensemble est représenté par la description d'une équipe fratrie du village qui s'amuse ensemble et de sa rencontre avec Cédric, un jeune dont la famille est venue s'installer à la campagne pour éviter la promiscuité des banlieues, mais qui apporte en même temps cet univers avec elle. L'intrigue ressemble, un peu, à ce qu'on lit parfois sous la plume de Stephen King à savoir un groupe d'enfants-adolescents unis qui se débrouillent loin du regard de leurs parents respectifs. Mais chez l'auteur américain, ils sont confrontés au Mal. Ici, ils vont être obligés de faire un choix violent qui va les projeter dans le monde des adultes de manière brutale. Incapables de supporter le choc, incapables même d'en parler, le groupe va tout naturellement se disloquer. Après un prologue explicite, on se retrouve dix années plus tard. Romain, l'un des jeunes concernés, qui a voyagé entre-temps, revient et renoue avec ses anciens amis. L'un d'eux, vient d'être frappé à mort car impliqué dans des trafics avec des "gars de la ville"...
Rural noir joue avec force sur ce schéma classique, mais efficace et très bien rendu par Benoît Minville : le personnage a un regard à la fois compatissant (il a connu les choses) mais décalé (il est parti et a un autre vécu). De plus, lorsqu'il revient, il découvre que son amour d'enfance (mais il n'avait jamais rien dit) est à présent en ménage avec son frère ! La structure est simple et raconte l'histoire au présent, en y incluant des flashbacks sur ce qui s'est passé dix ans plus tôt. On est habitués aux descriptions sur la misère des banlieues et depuis quelque temps, certains auteurs nous offrent de bons romans noirs sur le monde paysan en déclin (on pense aux récents ouvrages de Franck Bouysse et au très réussi Aux animaux la guerre de Nicolas Mathieu), mais il y a peu de textes sur cette zone grise de petits campagnards dans des endroits qui se désertifient peu à peu (ici la Nièvre), où entre des fils d'ouvriers ou de petits travailleurs qui n'ont plus de travail et d'espoir, et des populations pauvres des villes qui se replient en zone rurale, car la pression financière y est moins forte, l'on ressent la dureté du monde de l'exode rural, d'un monde qui n'est ni la campagne profonde, ni la ville, et où les commerces et les services ferment un à un.
Rural noir est une évocation sensible et particulièrement réussie de cette zone grise.
On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°55
Citation
Châtillon était toujours la même petite ville endormie par le reflux du quotidien et la départementale qui la traversait de part en part.