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Douceur feutrée helvétique
L'auteur, l'éditeur et l'histoire de ce roman se situent en Suisse. Outre le chocolat, la Confédération helvétique est connue pour ses banques et sa lenteur. Il y aura bien des banques dans ce roman. Tout tourne autour de traders indélicats et de financiers qui servent d'intermédiaires pour de bien sombres affaires de corruption. Il y a entre autres le besoin d'avoir accès aux ressources pétrolières du Nigéria, quitte à soutenir la junte militaire qui gouverne le pays, quitte à liquider l'opposition rebelle qui aimerait trouver une solution moins polluante pour la nature nigériane. Tout cela se mène à l'aide de montages financiers très complexes, de paradis fiscaux et d'un mélange entre soutiens des hommes politiques locaux, de policiers et de juges qui servent d'espions, et d'hommes de main chargés de s'occuper des quelques récalcitrants. Le Nom du père, de Sébastien Meier, se permet d'ailleurs de remonter le temps. À l'intérieur d'une intrigue contemporaine, la procureure Émilie Rossetti croise la route de Paul Bréguet, un ancien policier mis sur la touche, qui lui raconte comment en 1989, il avait tenté d'en savoir plus sur d'autres opérations liées à l'arrivée des mafias en Suisse et comment le pouvoir suisse l'avait écarté.
Tout commence avec la sortie de prison de Paul Bréguet. C'est donc un ancien policier, fils d'un avocat spécialisé dans les montages financiers occultes et qui vient de mourir. Bréguet n'a qu'une envie : retrouver celui qui a tué Romain Baptiste, un jeune homme qui a également été son dernier amant. Dans ses péripéties, il tombe sur un riche homme d'affaires qui l'engage pour mettre la main sur une clef USB qui aurait justement été entre les mains d'un certain Crozier, autre amant de Romain Baptiste, lié aux milieux de la prostitution. Son enquête va beaucoup remuer bourgeoisie de la Suisse francophone. En ce qui concerne la proverbiale lenteur helvétique, certes le roman n'est pas un thriller hyper rapide, mais il s'adapte à cette atmosphère feutrée, ce mélange entre la vie privée des personnages, à ces magouilles en demi-teintes, avec ces avocats qui, cachés dans le confort de leurs salons, planquent des milliards à l'abri des regards curieux. À la fin du roman, l'un de ces représentants tiendra un discours crédible sur le besoin de ces magouilles pour que la Suisse reste un grand pays et ainsi assurer l'avenir de son peuple. C'est bon comme de l'antique et cela contraste avec certains des moyens mis en œuvre : quelques morts, des bâtiments incendiés, des enfants menacés et des cercueils sur les pas de porte. En prenant son temps, Sébastien Meier montre surtout les doutes, les appréhensions, les vices d'un système si bien huilé qu'il en devient obscène à force de se pratiquer autour de petits fours, de lac Léman mélancolique et d'un système démocratique bourgeois verrouillé, où chacun a des excuses pour le système continue d'exister, parfois même sans en être conscient.
Servi par un style très classique, par une lente montée vers le final, par des personnages décrits avec soin, y compris dans leurs failles intimes, Le Nom du père est un bon roman autour du secret érigé en vertu, de l'hypocrisie montée en univers philosophique, dérangeant comme les univers chabroliens.
Citation
Lausanne est lisse et impénétrable, un monde refermé sur la réalité immédiate, hermétique à quiconque s'en serait échappé, ne serait-ce qu'un instant.